It’s a Sin autrement dit c’est un péché. C’est la série à voir que donne France 2 (accessible en replay ou sur la plateforme de France TV). Encore une série gay me direz-vous ? Peut-être mal programmée alors qu’elle aurait attiré les foules sur Netflix, elle est décrite comme « pétillante » et « bouleversante »…et a plu aux critiques. Ce que j’aime c’est que les personnages ont grosso modo l’âge que j’avais à la même époque… Je ne fais que la débuter, mais pour l’heure j’accroche bien…
Les années 80
Si l’histoire se passe à Londres, les années 80 me menèrent à Paris. Et comme les héros de la série, je fus ce sage provincial montant à la capitale… lieu de tous les péchés mais aussi lieu de libération… et d’acceptation.
Il y avait dans l’air quelque chose de joyeusement électrique entre des interdits qui se levaient progressivement mais résolument, un certain optimisme, un sens de la fête, des excès mais vraiment de la solidarité et des attachements inattendus – dépassant les frontières sociales- , une attention à l’autre et une capacité vivifiante de l’époque à secouer les conformismes… même si à l’arrière plan planait déjà l’ombre glauque du Sida comme celle des nervis de l’extrême droite prompts à envoyer les gros bras « casser du pédé » quand ils n’étaient pas occupés à de sombres ratonnades…
La télé était déjà bête à mourir, mais il y avait encore des lieux intimes pour voir des spectacles « différents »… Le théâtre osait être expérimental, des chanteurs « à part » trouvaient de petites scènes pour s’exprimer, il y avait toujours des disquaires, des cinés proposaient des films qui ne se réduisaient pas aux grands succès américains. Sur les ondes, les premières radios libres se lançaient. En province, j’avais pu m’amuser à tenir pendant près de deux ans, deux émissions par semaine… J’y causais même déjà de poésie.
On osait. Surement on exagérait, on prenait des risques. Mais il y avait cette capacité de la rencontre, d’ouvrir sa vie ou sa maison… Cette joyeuse ambiance ne concernait évidemment pas que les « gays ». Je me demande même si on employait ce terme…
Quand je finis par m’installer à Paris, si l’appartement ne fut jamais un lieu de (totale) débauche, il n’empêche que les amis défilaient joyeusement. Il y avait cette capacité de s’agréger les uns aux autres, cette générosité… Cette façon de s’affirmer dans un cercle protégé et amical n’éludait pas les souffrances des unes ou des autres, notamment avec leurs familles, mais la solidarité était présente…
À cette époque, de nombreuses chenilles sont devenues papillons.
Puis le virus est arrivé…
Je suis encore dans la découverte de la série. Oui cette série à voir ! Le virus est arrivé avec ses drames. Je ne les ai observés que de loin, j’ai eu la chance de ne pas y être confronté directement, ni chez mes proches… mais la peur courrait partout.
Aujourd’hui, si l’on peut vivre avec le SIDA, nous savons que trop de jeunes ou de moins jeunes ne se protègent pas assez, pas seulement de cette maladie…
Je ne suis pas certain, en réalité je suis convaincu du contraire, que nous ayons tiré les leçons de la maladie.
On entend encore des personnes demander : « Tu es clean ? … »
Comme si c’était une question d’hygiène… Et les postures de rejet ne sont jamais loin.
C’était pas mieux avant mais…
Aujourd’hui, la pornographie édicte ses codes notamment sur la jeunesse. Ce n’est pas un problème « moral » , c’est un problème éthique… C’est substituer aux sentiments des scénarios froids et obligatoires où il n’est plus question de s’intéresser à l’autre, encore moins de le ou la séduire…
Ces corps sont regardés, vendus, pour être imités et créer des stéréotypes de relation où l’asservissement tient dans la négation de la rencontre, de la séduction, de la découverte d’autrui. Alors vient l’ennui quand ce n’est pas le dégout. Tout le monde ne tient pas la performance. Tenir sur la scène du sexe demande une sacré santé… qui en réalité puise sa force dans l’indifférence, l’égoïsme, le plaisir stakhanoviste.
Ça fait une société qui a du mal à savoir être empathique et solidaire… On veut l’autre sans rien livrer de soi. Marché impossible à tenir dans une relation vouée alors à l’échec.
Cette perfection froide fait éclore des vocations de jeunes qui ont des « crushs » mais ne couchent pas forcément, conscients que « coucher » n’est pas le plus difficile de l’affaire… Les asexuels sortent du bois. Ont-ils encore des fêtes ?
Bref, je retourne voir l’épisode suivant, histoire de voir comment ça se passait à Londres en ce temps là… et comment nous savons relire ces souvenirs. Qui ne méritent aucun mépris.
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