Mes souvenirs dans les épaules, je flotte dans le soir qui tombe
Le navire de mon lit glisse le long de la rivière douce
Dans l’ombre
J’entends l’appel du muezzin par un soir bleu d’Ispahan
Enfant
Je lis des contes, un jeune prince sur la mousse
S’endormant
En ce temps-là, ami fidèle des livres
Les étoiles étaient innombrables, je savais les suivre
Les adultes éloignés bavardaient dans des salons
Où Mile Davis pleurait, Dave Brukeck chantait
La vie de Blanche Neige
Et d’un prince qui viendrait
Je n’attendais personne
Je chantonnais
Qui ne comprend pas la solitude de l’enfant
Attendant le sommeil dans une chambre sombre
N’entend rien aux mystères, à la peur, au Monde
Reste bien adulte au loin dans des salons ignorant
Qu’on n’a pas voulu se retrouver si petit seul sur un lit
Prisonniers de parents qui font au loin leur vie
Et vous condamnent de leurs principes, leurs sourires,
Aussi
Qui peut comprendre qu’on ait à ce point mal aux poignets
D’être enserré dans un destin où l’on ne se reconnait
Jamais
Chante le muezzin, chante un jazz des années
soixante !
soixante !
Chante l’enfance rangée au rayon des utilités
Tout ainsi commença par un profond malentendu
Des rires, du whisky et de la glace jamais fondue
Sur les lèvres des adultes et la futilité
Fêtes agitées dans l’orient décadent
Votre sang se noie dans la voix lointaine d’une mère sans
caresse
caresse
Puis plus loin
Votre corps qui a vieilli s’abandonne alors sur un vieux
canapé dont les ressorts pointent votre dos
canapé dont les ressorts pointent votre dos
Et votre mort annoncée à l’hôpital
Par la voix monocorde et blanche d’un lâche interne
Technicien des globules
Englué dans sa blouse
Mécanicien des corps vendus à la charcuterie médicale
Vos pensées flottent
Et vous vous endormez
Sans rime
L’âme désordonnée
L’estomac acide et les mains sèches
Pliées sur votre cœur
Qui bat encore
Juste à peine sous les souvenirs