Maintenant tu es la seule Maison.
Tu ne m’appartiens pas, de quel droit m’appartiendrais-tu ?
Je te serai mieux fidèle puisque nous nous sommes choisis dans cette bonne alliance libre.
J’ai divorcé de Paris, non pas sans scrupules, non pas sans nostalgie, mais j’ai déroulé le ruban de l’autoroute avec résolution.
Il y avait dans les immenses boutiques à essence, des familles désespérantes avec des enfants trépidants qui hurlaient et réclamaient dans des « encore » assourdissants.
Arrivé à Lorient, la douche du ciel est venue laver la voiture et mes yeux. L’auto a trouvé seule son chemin, broutant l’herbe, méthodique.
Tu étais un peu froide et humide Maison, m’accueillant avec la distance qui convient aux délaissées en reproche. Mais c’était pour le déménagement, comprends- moi.
Ta bouderie fut de courte durée. Au jardin tout avait poussé.
Surtout, une rose si rose, joyeuse et mouillée, bavarde comme une enfant de douze ans, un peu ébouriffée, venait taper au carreau du bureau.
Dans le garage, des capucines échappées du jardin d’à côté s’étaient infiltrées, envoyant leur persuasif clin d’oeil orange…
J’essaie d’écrire, mais mon regard est happé par le jardin : les oiseaux qui picorent les pommes trop hautes, l’araignée qui a su tisser sa toile entre deux buissons franchissant un espace immense dans un saut de cinéma, la grosse guêpe bourrue plongée dans un fruit, avide et ivre ; partout la profusion d’herbe, de trèfles et de rosée, la lumière.
Cette fois, je suis là et je reste près de toi, ne sois pas inquiète, tu vois, j’ai allumé le four.