Bientôt dans pas longtemps bientôt disait quelque part Obaldia, nous partirons… disait celui qui se levait à l’heure où blanchit la campagne.
Les malles, les cartons, les valises, le camion, la route.
Mais encore ; les lettres, les factures, les cartes, les papiers.
Accumulation.
Tiroirs infinis de la mémoire.
Comment un tiroir aussi petit peut-il contenir autant de vies ?
Si je tire le fil par la carte postale tout s’enchaine.
Et m’enchaine.
Prénom perdu. Qui était ce ? Et cette lettre enflammée, pas signée.
Ou bien, cette admonestation, ce poème, cet insigne, cette photographie.
Que faut-il emporter avec soi ? Que faut-il laisser ?
Les décorations, les médailles.
Les factures, ce vieux pull aux larges mailles.
Il faut si peu de choses aux braises de la mémoire. Juste un peu de feu son enfance.
Dans un enregistrement soudain, on entend l’aboiement de Prisca. Et peut- être, juste avant, la voix assourdie de Dominique, inaudible, haute et fraiche à la fois.
Il faudrait avoir le courage de tout abandonner derrière soi, savoir arriver dans la ville avec juste un peu de linge, un cahier, un livre.
Ce bonheur comme un risque : jeter, oser jeter.
Mais il resterait toujours ce fleuve intérieur et la marée.
Marée montante, marée descendante.
J’emporte avec moi ma mère et mes amoures et la Durance et ses galets, et la primaire de Pontoise et le collège provençal, le Verdon et le Canal Saint-Martin.
J’emporte tout cela et plus encore, ce que je retrouverai de moi à la prochaine escale. Et toutes les maisons où j’ai vécu…
Puisque ce sera la dix-septième…
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans… mais quand on a dix-sept maisons, on se comprend hautement passager et tellement provisoire…