Je suis cet enfant que cette beauté submerge. Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. J’ai laissé derrière moi des paysages superbes. De bons souvenirs avec d’autres. Mais ici, il se passe quelque chose de nouveau. Une sorte de douche émotionnelle bienfaisante et salvatrice, un sentiment presque d’ivresse, de délivrance et de protection. Même les animaux sont touchés. Quel beau pays !
La Bretagne est si belle mais souffre
J’ai aimé les grands espaces du Finistère. Mais les algues vertes dévastent les plages de Douarnenez. À côté de villes musées, on a laissé des zones moches aux marchands. J’ai aimé le Morbihan mais l’effondrement des sentiers côtiers et la transformation du Golfe en une petite côte d’Azur avec les mêmes revers de médaille est une vraie souffrance. Ce n’était pas imprévisible. En quelques années j’ai vu la situation se dégrader… On fait mine de promouvoir la culture bretonne mais on ne trouve pas de natif pour enseigner la langue, les colons nouveaux envahissent toute belle maison et les pauvres se réfugient au centre des terres dans des villages abandonnés aux maisons humides, ouvertes aux quatre vents. Il faut du temps pour qu’on vous adopte, une fois passée la pudeur, les liens sont solides. C’est comme partout, on vous regrette le jour du départ, il n’empêche, dans cette belle région de poésie une sorte de mélancolie retenue accompagne le visiteur… surtout, dans le sud du Morbihan je me cognais au paysage. L’océan fut mon puissant ami. Toujours la même émotion de le voir surgir par delà les dunes. Accueillant et effrayant à la fois. Nous avons aimé les plages immenses, battues par le soleil, la pluie et le vent, ces parfums âcres… J’ai tout de même passé une douzaine d’années en Bretagne et vécu dans trois maisons…
Souvent j’ai trouvé du bonheur dans ces paysages, je me suis attaché, je conserve de la tendresse pour « nos lieux »… mais il restait quelque chose interdisant la joie pleine, quelque chose du confinement, du divorce, de la fin du métier dans des conditions si bizarres. L’époque est bizarre, elle se ment.
La Bretagne risque de devenir le plus grand EHPAD de France… Comme il est laid cet acronyme… et les dauphins viennent mourir sur ses plages pourtant si belles… On annonce une augmentation énorme de la population… Le risque de saturation est grand et les petites iles seront bientôt victimes de la montée des eaux.
Une beauté malmenée qui va se confronter à de nombreuses difficultés… mais je ne voulais ni parler de ça, ni donner une vision négative. Surement peut-on y être heureux comme ailleurs mais j’étais attendu ailleurs…
Toute cette beauté me submerge
J’avais déjà aimé l’Aveyron, il y a quelques années. Mais ce n’est rien à côté de la joie que procure chacune des sorties.
Il suffit d’aller dans le jardin pour que le paysage vous accueille, je dirais même, vous prenne par les bras. Qu’il pleuve ou fasse soleil, il y a ici comme un art de cultiver la paix… Le paysage sait être à la fois ouvert et consolateur, protecteur, il vous invite pourtant à la découverte. Pour aller au moindre village, à la « ville », il existe de nombreux chemins. Les surprises foisonnent. Les histoires, les légendes, sont partout… Quelques lacets, tu grimpes sur le causse et là, de nouvelles surprises…
Les villages conjuguent simplicité et grâce… Les toits ont des pentes douces et joliment dessinées, les escaliers ont des allures italiennes ou espagnoles… il suffit de changer de vallée et c’est comme un cadeau…
Prendre place dans le paysage
Faune et flore, sauvage ou domestique, chacun prend sa place dans le paysage… Nous avons surpris le chevreuil à deux pas d’ici. Le lièvre ne semblait pas pressé de s’échapper… Les rapaces se laissent flotter dans l’air avant de piquer… Tout un peuple d’insectes habite la prairie. Les vaches près de la maison s’inventent des postures lascives. C’est un mélange d’odeurs, de douceurs, de lumière… L’œil trouve partout à voir. Il y a tant à lire dans ces paysages, tant à comprendre… La civilisation est hautement présente, mais la géographie a su interdire les dérives abusives. Ne venez pas nous glisser une autoroute… Certains roulent tout de même vite ici et il faut s’accrocher à son volant… mais oui, il faut prendre sa place dans le paysage et se laisser submerger, envahir, traverser…
C’est le début, il faut explorer avec patience…
Explorer, prendre le temps, admirer… Il faut marcher, regarder, écouter, revenir… Je suis aussi bien aux chemins qu’aux petites ruelles. Peu à peu les repères vont se construire… Je ne veux pas bruler au coup de foudre mais apprendre, comprendre, prendre soin… Revenir. Rester.
Il y a une tendresse ici, une délicatesse… C’est un Sud pudique et accueillant. Comme une chanson douce… Je cherche à comprendre sa grammaire…
Le train ne sifflera plus
Le train qui siffle, ce train si cher à Queneau qui est objet de poésie, ne sifflera plus. Il y a peu, on a déferré les voies. Rails et traverses cèderont la place aux vélos et aux promeneurs… Soit. Quelque chose d’irréversible… Je l’aurais bien pris ce train…
L’imagination de l’enfant prend pourtant le dessus. Quel bel objet de poésie ! Je me demande ce qu’en pensent les enfants du village… ceux-là que j’avais pu observer début septembre, quittant l’école pour aller plonger une tête dans la rivière après la classe…
La rivière, la forêt, espaces secrets ou bien ouverts… Je vis sur la frontière naturelle qui sépare deux départements. Qui sépare ou unit ?
À chaque heure ses surprises…
Pour l’heure, je m’en remets presque au hasard, aux surprises, à l’intuition… Je trace des cercles, une ellipse, un chemin s’offre, une petite route… Ne pas échapper non plus à ce qui est proche, ce qui est là, à deux pas…
Le chien fatigue mais je vois bien sa joie. Tant à sentir, à regarder… Lui et la chatte s’imprègnent déjà de la paix qui règne ici et je mesure à quel point c’est une richesse immense et un bien précieux !
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