Morbihan, des barrières et du fil de fer

Publié le Catégorisé comme réflexions
Erdeven

Barrières et fil de fer fleurissent pour protéger la côte

Depuis la fin du printemps, dans le Morbihan, de nouvelles barrières fleurissent, des fils de fer bloquent les chemins, des accès à la mer sont fermés.
Frustration du promeneur qui fulmine, mais il y a urgence, tant s’effondre…
Cet espace, la côte au Sud du Morbihan notamment, en si peu d’années, je l’ai vu considérablement se dégrader. Difficile malgré ces mesures d’être très optimiste.

Des paysages qui se transforment à vue d’œil

La faute à la sécheresse, aux tempêtes, aux passages inconsidérés sur des sentiers friables et fragiles… J’en ai vu de ces lieux où les arbres sont tombés les uns sur les autres. Immenses, vigoureux en apparence, retenus par rien.
À Locmariaquer, un sentier côtier semble si fragile que je le vois reculer de mois en mois. À Erdeven, la dune s’effondre inexorablement notamment là où il y a cette sorte de lagune incroyable.

accès fermé sur la plage à Erdeven


En certains lieux, on invite le passant à prendre des photos et les envoyer au service concerné pour mesurer l’évolution du paysage.
Ailleurs, on protège les gravelots qui nichent dans le sable. Quelques pancartes. Une plage interdite. Les gens râlent.
Mais je n’ose faire l’inventaire du désastre. Il se voit à l’œil nu. À se demander si les menhirs géants ne vont pas vaciller.

On a trop attendu et certains s’exonèrent des règles

Impéritie ici aussi. Ou manque de moyens. Ou tant d’intérêts et d’organismes divers qu’il faut coordonner, des chartes, des machins, mille-feuilles français, juxtaposition de juridictions, de responsabilités… au total, on a beaucoup attendu. Sûrement des bonnes volontés mais… ce ne sont pas ces belles revues sur papier glacé que je reçois à la maison qui vont réparer le désastre. Avons-nous à ce point besoin de catastrophes ?

Les télévisions ne cessent pourtant d’évoquer la question. Peut-être trop ou pas comme il le faudrait.
Au quotidien, pendant ce temps, j’en vois qui se font un frisson d’excitation à franchir la barrière. On lâche son chien, tant pis pour les oiseaux, tant pis pour les espaces fragiles. On passe à vélo, on escalade au risque de faire tomber les rochers… Certains se pensent très « zen » à créer des cairns
sur la plage. Mauvaise idée.

Sans compter ceux qui se font une sorte de joie à jouer les rebelles en polluant : il y a quelques mois, je vous avais raconté ce dégoûtant personnage qui non content de déféquer derrière les buissons, avait cru bon les décorer avec son papier hygiénique sale comme s’il s’agissait de guirlandes. Quel cadeau pour les yeux et les oiseaux !
Ou ces charmantes personnes qui oublient leur sac en papier plein des reliquats de leur repas au Mac Truc du coin juste entre les rochers dans un lieu magique. Et là, je ne comprends pas : s’ils viennent, c’est qu’ils sont sensibles à la beauté du lieu… mais pas au point de ne pas le saloper en partant ?

Là, j’essaie de comprendre l’âme humaine. Sincèrement.
Sont-ils oppressés de vivre dans un tel écrin de beauté ? Veulent-ils se venger de la beauté ? Sont-ils à ce point désespérés ou incapables de saisir la poésie des lieux ?

En tout cas, me voilà, me promenant avec un sac en réserve pour nourrir mes poubelles de tri sélectif, je fais toujours bonne cueillette… c’est pas très poétique pour le coup.

Comment faire aimer sans détruire ?

Pas loin d’ici, un conseil municipal a cru bon voter pour que sorte de terre un terrible ensemble immobilier associant immeubles et lotissement dans un espace contraint. Artificialisation des sols dites-vous ? Et puis, quel est cet enthousiasme à s’entasser dans une promiscuité affligeante dans des constructions toutes identiques, répliques sans imagination, dont on pressent en les regardant qu’elles ne tiendront pas trois générations… Un truc en dehors du village, au bord d’une route passante. Tout pour créer une sorte de « zone ». Une verrue ruineuse pour tous.

Dans le même temps, de vieilles maisons sont oubliées dans le centre du village ou de la petite ville proche.
Il y a cette inconséquence, cet égoïsme…

Le tourisme, bien que pas si démocratisé que ça, c’est l’ouverture, la découverte… mais voilà qu’il épuise les paysages, perturbe même les équilibres économiques.

Les saisonniers de la Presqu’île de Quiberon ne sont pas tous à la fête. Leurs heures ne sont pas comptées l’été. On les épuise, on les jette, on s’étonne de ne plus trouver personne pour travailler à la saison suivante. L’hiver, les rares à rester galèrent. Ce modèle du profit immédiat ne va pas.

Il faudrait trouver une façon de faire aimer ces lieux magnifiques avec attention, avec bienveillance. Repenser les équilibres. Que chacune et chacun se sente en charge, responsable de ce bien commun. Je crains que les labels, les interventions en milieu scolaire, les actions sur le terrain ne soient que dérisoires pansements…
J’énonce des vérités, des lieux communs. Mais je suis désemparé et rentré un peu triste de la promenade.

Devrons-nous un jour aller regarder la mer derrière des barrières ou des vitres comme on regarde des œuvres d’art au musée ?
D’ailleurs, n’est-on pas en train de muséifier nombre d’espaces naturels ou de villages au risque de les stériliser, d’y tuer la vie ?

On peut se dire que la nature a ses ressources, que la faune et la flore sauront reconquérir du terrain, que peut-être ici et là on pourra maintenir un peu de diversité… mais si ce n’était qu’ici que se posent les problèmes…

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Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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