Depuis des mois je tanne lectrices et lecteurs, copains et copines avec mon projet de venir vivre en Aveyron. Non pas déménager pour déménager mais pour changer de vie. Rien que ça. Hier soir, le dernier carton vidé et le lave-vaisselle relié, je me suis félicité. Fier et soulagé d’avoir passé l’épreuve du déménagement, je me suis offert un petit verre de vin de Cahors (toujours avec modération). Vivre en Aveyron ? Vivre… c’est parti pour la nouvelle aventure !
Stress et sens pratique
Le projet, je l’avais en tête depuis plus d’un an et depuis mai les choses se sont précisées. Il fallait cibler un lieu, trouver une maison à louer, organiser le déménagement, penser les coûts …
Déménager est une chose dont j’ai l’habitude depuis petit. Mais ce déménagement là est aussi particulier que celui que je fis en 1987 quittant la Haute-Provence pour Paris.
Ma mère venait de mourir, je ressentais le besoin de nouveaux lieux pour pouvoir m’affirmer, rencontrer de nouvelles personnes, un nouvel univers professionnel…
Nombreux à l’époque ne comprenaient pas pourquoi j’allais « monter à Paris » alors que la qualité de vie en Haute-Provence était formidable… Oui, mais il fallait s’émanciper et je ne regrette pas ce choix.
À contrario d’autres furent étonnés quand je voulus quitter la jolie Bretagne pour l’Aveyron. « Qu’êtes vous venu faire dans ce trou ? » me dit ici une des premières personnes avec qui j’échangeais… Mais « ce trou », on voit bien qu’il est aimé de ses habitants. Sa densité permet d’accueillir du monde. Sa qualité de vie après la période du Covid et du confinement attire également. Un site existe même pour inciter à s’y installer…
Le choix de l’Aveyron n’était pas seulement lié à des souvenirs de vacances, mais il s’est défini progressivement comme une sorte d’évidence tant le lieu est riche historiquement, géographiquement, culturellement et préservé encore d’un point de vue environnemental… tant aussi il se présente à moi comme un pays à explorer où tout est découverte.
L’accueil, le calme, le charme du moindre village ont tous les atouts pour m’aider à « vivre en poésie » dans un cadre sécurisant…
Peut-être à la différence des précédents lieux, liés à mes métiers successifs, celui-ci se définit-il plus autour de l’idée de pouvoir y être moi même, m’y exprimer, créer à ma mesure, selon mes envies, mes valeurs, mes choix propres… mais comme en 1987, ce n’est pas seulement une nouvelle page, ni même un nouveau chapitre… c’est plutôt un nouveau volume qui s’écrit. Et c’est un début. J’aime bien cette idée d’être débutant, en apprentissage, en phase de découverte…
80 % de stress inutile
Trouver une maison ne fut pas le plus aisé. Il fallait commencer à choisir à distance, évaluer la situation, se sentir en confiance… Le marché de l’immobilier locatif est plus que tendu. Certaines propositions ne font pas honneur à ceux qui osent louer des passoires thermiques en piteux état… Mais en même temps, trouver la maison où je suis installé et que je loue aujourd’hui, fut comme une sorte d’alignement tranquille des planètes. Je n’ai pas hésité longtemps et nous avons vite « topé » avec le propriétaire… Cette maison répond à mes attentes : pas trop grande, pas trop petite, indépendante mais reliée… j’y suis déjà bien.
Quand je regarde les lieux où j’ai pu vivre, il y avait souvent adéquation avec mon projet… la nouvelle phase de vie…
Il fallait ensuite organiser le départ, « penser à tout » et surtout comme je voulais partir à moindre coût, tout préparer de mes petites mains.
Je dois dire que j’ai bien emballé et protégé mes petites affaires. Bilan : un verre à pied cassé, un verre mesureur et une vieille assiette « à trous » pour la cuisson vapeur… Pas de drame et d’ailleurs, je ne les avais pas si bien protégés…
C’est vrai que la société de déménagement m’a fichu la trouille quand le jour J je constatais qu’il n’y avait personne et qu’on m’avait « oublié ». Il a fallu être calmement persuasif et j’ai pu être sauvé par les moldaves...
J’ai vu pour le reste que j’avais tendance à psychoter un peu trop sur les changements d’adresses, de contrats… Peur idiote que ça dysfonctionne côté EDF ou assurance, ou connexion internet ou carte grise… les choses à faire ne manquent pas mais je dois dire que tout a été impeccablement mené.
Du monde sur le pont
Dans ce climat de défiance généralisé j’ai pu constater que les interlocuteurs étaient attentifs et soucieux de bien faire… Au fond, un déménagement, ça mobilise du monde : 7 déménageurs, près de dix autres personnes à des titres divers entre les agents et les techniciens sans compter les derniers livreurs. On ne se rend pas compte comment un simple projet peut mobiliser de l’activité…
Je sais bien que je tiens de mon cher grand-père maternel le gêne de l’inquiétude. Lui avait été capable de payer deux fois ses impôts par crainte d’avoir oublié, le percepteur n’en revenait pas… mais je peux rire de moi de mon art de m’inquiéter souvent alors qu’il n’y avait pas lieu… Ce sont aussi des restes d’un monde professionnel où l’on ne cessait de nous harceler pour vérifier que nous appliquions bien les consignes avec un excès de normes et de formalisme administratif…
Fier malgré mes faiblesses
Je peux en rire, mais je l’avoue. Hier soir je me suis fâché en reliant le lave vaisselle. Tant est si bien que Galou le chien s’est sauvé dans le jardin croyant que ma colère le concernait. Non, je m’étais cogné la tête sous l’évier, coincé les doigts derrière un meuble pour faire passer fils et tuyaux, je me suis fait mal et surtout aussi compétent en plomberie que pour parler le moldave j’ai dû tâtonner pas mal avant de trouver la solution… qui n’était pas si difficile. J’ai bien juré et pesté quand même. Inutilement bien entendu. Malgré mes insultes le robinet est resté de marbre, enfin de fer.
Ni costaud ni bricoleur
Je regrette qu’on ne m’ai pas poussé à faire plus de sport. J’ai très peu de force. Soulever un meuble m’est difficile. Quand j’ai vu un déménageur prendre dans ses bras comme fétu de paille un bureau que je traînais en ahanant, j’ai mesuré ma faiblesse que je connaissais déjà. Pour moi ces gars avaient tous pris de la potion magique. J’ai été dispensé d’EPS au bac. Je suis quasiment un handicapé. Courir trois cents mètres me met au bord de la crise cardiaque. Il faudra que je retravaille ça gentiment pour pas être décrépi trop vite… mais bon… c’est une faiblesse.
Aujourd’hui je garde des courbatures à force d’avoir porté, vidé mes cartons ou monté les meubles…
Mon cher grand-père n’étant pas expert en bricolage, je n’ai pas eu non plus de modèle en la matière et je fonctionne souvent de manière empirique même si les tutoriels d’Internet m’ont souvent aidé…
J’ai en plus des soucis de représentation dans l’espace et je me demande si je n’ai pas quelques difficultés de dextérité. Petit déjà j’étais gauche. Je suis maladroit au point où c’en est drôle ce qui fait que je mets du temps pour des choses probablement simples… et là aussi souvent la peur de mal faire devient envahissante…
Mais fierté au final… un peu comme lorsqu’on passe des épreuves dans un conte.
Maintenant tu te poses et tu profites
C’est Séverine qui m’a dit ça hier. L’injonction est bienveillante et agréable à recevoir. Ce n’est pas forcément à ça que j’ai été dressé dans ma vie.
Se poser, oser un peu d’insouciance, rêvasser, ne rien faire…
Non, non aucune tristesse, mais j’ai retrouvé le Sagan dans la bibliothèque. La dame naquit juste de l’autre côté de la rivière. Alors pour lui rendre hommage je vais lire (ou relire ? je sais pas si je l’ai lu) son fameux roman…
Me poser… je ne sais si je suis doué pour l’exercice …
Profiter, oui, certainement. Créer aussi. Parce que ne serait-ce que chanter de nouveau me fera du bien !
Vivre en Aveyron ? C’est parti !