Oui, nous avons un besoin d’harmonie. C’est ce que je me disais écoutant ce 25 mai 2024 au soir le roboratif concert de printemps de l’Harmonie des artisans réunis de Figeac. Ce n’est pas qu’affaire de musique, mais affaire de lien et de recherche d’accord, d’adaptation et d’écoute mutuelle… Un vivre ensemble posé en actes concrets. L’harmonie c’est une dynamique où chacune et chacun prend sa place, apporte sa touche, construit et partage. Une belle façon de faire société ! Oui, nous avons besoin de plus d’harmonie, de plus d’orchestres et de chorales… et au delà…
Des musiciens et un chef…
La plus jeune fêtait ce soir là ses 9 ans. C’était je crois son premier concert public. Elle n’oubliera surement pas les encouragements du groupe et de la salle. Jeunes visages, têtes chenues, femmes ou hommes, experts ou entrant dans la musique, le plateau nous les montrait dans leurs belles complémentarités et diversités, dans leur belle présence et leur énergie. Concentrés mais ne boudant pas leur plaisir.
Chacune, chacun a choisi d’être là. Chacune, chacun a son rôle à apporter. Il faut à la fois connaître sa partition, être attentif à l’autre, en vigilance, savoir inhiber son impatience et faire ensemble. Ici, pas de vedette qui viendrait tirer la couverture à elle. Mais au contraire, le petit signe discret pour s’entraider, la capacité à passer outre une légère défaillance et s’investir pleinement. On fait groupe, on joue collectif… Adelante !
Le chef possède l’autorité du savoir. Mais aussi du savoir être. Il tient le tempo. Oui, les musiciens se lèvent pour saluer son arrivée. Samuel Collart est professeur de musique. Nul doute que ses élèves ont de la chance. Mais ici, ce sont des musiciens. C’est à lui qu’incombe d’intégrer de nouveaux instrumentistes, d’adapter les partitions aux instruments et aux compétences des uns et des autres, de penser les arrangements, régler… Il s’agit d’inclure chaque personne, de réguler, de porter attention aux individus pour servir au mieux la musique. Il est à la fois coordonnateur, conducteur attentif à tous les signaux, médiateur, oreille des oreilles, fédérateur, révélateur… On imagine l’attention et l’investissement qu’il faut alors… et tout le monde percevait le lien entre les musiciens et leur chef. Un beau respect mutuel.
Et le public
Le public et il le fait à merveille en province, n’est pas là pour pointer les éventuels couacs mais pour encourager, écouter, recevoir, apprécier. Aussi divers que les musiciens, familles, jeunes, vieux, amis… acquis d’avance très certainement et qui va se retrouver aussi dans ces musiques souvent populaires au sens noble du terme… qu’il a entendues au cinéma, à la télévision, à la radio mais qui s’incarnent alors sous ses yeux donnant alors plein sens au spectacle vivant.
En étant présent, le public fait société, il marque son adhésion, il encourage et s’il ressort avec des rythmes et des airs dans la tête peut-être bien ira-t-il chercher le lien entre ces airs populaires et d’autres plus savants… peu importe. Le tout est qu’il ne boude pas son plaisir. Ici, on écoute « ensemble » et en toute liberté… On se reconnait paisiblement…
Métaphore
Mais vous me voyez venir avec mes lourds sabots ! Cette belle image de l’Harmonie des musiciens de Figeac suggère plusieurs réflexions :
- c’est l’Harmonie des artisans réunis : j’aime beaucoup le concept de l’artisan qui fait bien ce qu’il doit, il travaille souvent seul avec attention, l’artisan n’est pas loin de l’artiste – il est souvent artiste- et le fait de réunir des individualités envoie un beau message… L’artisan s’entoure souvent d’apprentis. On retrouve mes quatre axes guides : apprendre, créer, transmettre ou partager et prendre soin (de soi ou d’autrui).
- nous avons besoin dans les écoles, dans les villages, les quartiers, partout dans le pays… de développer, soutenir et vivifier ces réseaux d’orchestres, de chorales, de théâtre amateur… ce serait une belle feuille de route pour une ou un ministre de la Culture !
- nous avons besoin de démarches – qu’elles soient initiées par les politiques, au niveau local notamment, dans les entreprises, les universités ou les écoles – , où cette recherche de l’harmonie, d’accord, c’est à dire de prise en compte des « talents » ou appétences de chacune et chacun, – ce que d’autres appellent « l’esprit coopératif »-, qui puissent être soutenues… Autrement dit, la mise en projets permettant d’inclure chacune et chacun… Chacune ou chacun doit pouvoir se sentir concerné-e, trouver sa place, jouer un rôle…pour un « faire ensemble » (que ce soit de la musique, un projet collectif etc.). Cela existe un peu partout mais le réseau associatif notamment a beaucoup souffert depuis vingt ans. On a défait ou laissé se défaire tout ce qui faisait tissu et maillait notamment certaines zones urbaines… alors on invoque une autorité verticale pour tenter de calmer le jeu, là où le « faire ensemble » donnerait du sens à la vie sociale…
Dès lors qu’on montre « qu’ensemble on va plus loin » et qu’on le fait encore mieux en n’excluant personne, alors chacune et chacun en ressort enrichi.
Chercher et produire de l’harmonie est une démarche éthique. C’est une façon aussi de s’opposer paisiblement à celles et ceux qui cultivent la division et le ressentiment…
Et la poésie dans tout ça ?
Quand nous écoutions hier un patrimoine musical rythmé, les unes et les uns y retrouvaient des vieux souvenirs qui font aussi culture commune, d’autres rêvaient peut-être emportés par le rythme… Car la musique là « racontait une histoire »… Libre à chacune et chacun de se l’approprier à l’aune de son propre vécu, de son ressenti, de sa nostalgie … mais le spectacle vivant (orchestre ou théâtre, chant ou danse, acrobatie ou mime…) introduit ou laisse venir forcément cette part de poésie instantanée…
C’est aussi cette part là que nous devons cultiver comme un jardin partagé. Puisque l’humain est fait entre autres d’émotions et de sensations…
J’aurais peut-être pu ranger cet article dans la catégorie, « changer de vie » !