La question revient souvent. Pourquoi partez-vous ? Mais pourquoi vouloir quitter une région prisée et si belle ? Le partant est souvent sommé de se justifier. Il y a de la trahison dans l’air…
On demande moins mais « pourquoi venez-vous chez nous ? » et moins encore mais « pourquoi restez-vous ? »
Si je pouvais, je partirais moi aussi…
Entendue au moins trois fois cette petite chanson. Elle partirait mais … Mais le travail, mais les enfants, mais la maison.
Il partirait, mais il ne connaît personne qu’ici.
Il ne s’agit pas de partir pour partir.
S’il leur arrive de plus en plus de se sédentariser, la vie n’est pas facile, je connais aussi des gens du voyage qui ne concevraient pas de rester à vie au même lieu. Ils ont souvent un terrain où ils reviennent régulièrement et un parcours habituel, mais ils aiment bouger, ce mouvement leur est devenu nécessaire…
Les marins de tradition pouvaient partir loin et longtemps. Parfois ils ne revenaient pas et les femmes mettaient l’habit noir mais souvent ils allaient vivre de splendides aventures dont ils parleraient peu à leur retour…
Parfois je vois cette petite ombre de regret chez celles et ceux qui restent. Tentés un instant par l’aventure mais ils ne l’osent pas…
En Bretagne, nombre de jeunes nantis d’un bac avec mention vont limiter leurs ambitions à la géographie locale. Partir au loin leur est difficile. Un besoin de sécurité.
Je pars pour vous manquer
Touchantes aussi les paroles amicales. Je ne suis pas encore sur le départ mais j’entends que « j’étais dans le paysage » même si je n’en avais pas toujours la sensation.
Mais je ne pars pas au bout du monde…
Ce serait idiot de dire que je pars pour vous manquer ou même vous apprendre à vous passer de moi…
Je pars pour me retrouver et me réinventer
Peut-être bien je pourrais le faire ici, mais il me faut de la distance, notamment avec mon passé professionnel et aussi la dernière histoire d’amour.
Aujourd’hui en préparant des meubles qui vont être donnés, je me disais : et si je les avais tous abandonnés ces quelques meubles et témoignages du passé ?
Au fond, je serais ennuyé de perdre certains livres et certains disques, j’aimerais tout de même ne pas perdre mes données numériques, mes chantiers d’écriture… mais je découvre à quel point je suis beaucoup moins attaché aux objets…
Bizarrement j’aime beaucoup ce tout petit buffet fabriqué par un arrière-grand-père que j’ai à peine connu…
Les vrais souvenirs ne sont pas matériels. Les objets sont souvent encombrants en nous renvoyant à des épisodes révolus qu’ils soient heureux ou malheureux.
Je pars pour le prochain livre, ce qui va s’écrire, pour réactiver la poésie, pour tisser des liens avec la rivière, les gens, les maisons et les mystères que je pressens.
Je ne pars pas contre, mais pour…
Je pars pour que certaines personnes viennent ou reviennent me voir, je pars pour le feu dans la cheminée, pour le vélo dans la vallée et le petit café au village.
Je pars pour conserver ma liberté.
Je pars pour accueillir les gens de passage, pour lire sur la terrasse et offrir ses dernières promenades à mon vieux Galou.
Je pars pour écouter si le cri de Colette Magny rebondit encore de colline en montagne et si l’ombre de Françoise Sagan passe encore furtivement, juste à côté.
Je pars pour les noisettes, les figues et la tarte au pommes. Pour l’aligot et le roquefort. Pour les confidences que tu me feras toi… Pour l’accent qui chante.
Ici j’ai connu le confinement et quelques heures pas drôles. Je veux savourer la mémoire de l’Océan. Il sut me consoler et me dire mes quatre vérités.
Je pars parce que c’est le moment, parce que j’aime ranger mes affaires. Je pars pour ne pas vieillir trop vite. Je pars pour moi. Et c’est un cadeau que je me fais…
En savoir plus sur Vincent Breton
Subscribe to get the latest posts sent to your email.