Le village perché contemple la vallée du Lot. Très égoïstement je ne veux pas aujourd’hui vous en faire la visite ou l’historique. Je tairai son nom. C’est un de ces merveilleux villages, ils sont nombreux ici. Comme des perles en collier longeant de part et d’autre la rivière. Vous y arrivez par une route du bout du monde. Il est beau. Mais ce que je veux juste esquisser, c’est l’ambiance touchante du lieu, le sentiment de paix qui en ferait presque un espace thérapeutique.
Des chiens et des hommes…
On se gare à l’extérieur. Comme j’ai le chien avec moi, ceux des maisons, dans leurs cours, leurs jardins, s’énervent un peu. Ce ne sont pas des chiens de ferme, ni de chasse, ni de race. Ils aboient, ils font leur métier. Galou reste stoïque, il sait qu’il n’est pas chez lui. Il est tout aux odeurs offertes ici, nouveaux parfums.
Je remonte vers le village. Un premier garçon passe avec un grand chien vif. Ils sont ébouriffés l’un comme l’autre… Qui se ressemble… Joueur, le chien voudrait traverser. Son maître le retient. Ils ne sont pas du village. Le garçon est goguenard. Souriant. De bon aloi. Ils voyagent dans un vieux camion garé plus bas. Rien de luxueux, ce n’est pas un camping-car, ça doit siroter son content de fuel… de quoi peut-il vivre ?
En avançant vers l’église, nous croisons un autre gars, la petite trentaine, secoué sur son vélomoteur. Un autre grand chien maigre cavale à ses côtés… Celui-là joueur aussi tente de mordre le pneu de la roue au risque de faire chuter son maître. Mais ils sont visiblement complices. Il a la tête de ces garçons qui ne s’acceptent pas vraiment adultes. Galou faisait ça, avant, avec le vélo. Sourires encore.
Le vieux village est dressé face à la vallée qu’on devine derrière les maisons. Le soleil perce. On entend un employé municipal qui tond vaille que vaille les herbes du bord des rues. Elles ont toutes des noms de vieux métiers. Plus loin, la cour de l’école en terrasse, domine elle aussi la vallée. Mais pas de classe aujourd’hui. J’imagine le bonheur des élèves à laisser leur regard divaguer par la fenêtre…
Une table a été sortie devant une sorte de café. Deux jeunes femmes penchées en avant méditent en silence, paraissant ignorer les passants.
Des enfants foncent à vive allure sur de vieux vélos qui semblent peu sûrs. La descente me ferait peur. Puis ils s’élancent avec une belle maîtrise pour remonter la pente. Ils connaissent le lieu par cœur. Ils feront plusieurs fois le tour. Libres. Plus loin, nous croisons des femmes travaillant dans les jardins, l’une dit rejoindre sa mère à l’autre bout du village… L’expédition du jour.
Sur la route du haut, des marcheurs avec leurs inévitables cannes de marche à chaque main. Aucune voiture ne dérange personne.
Un couple croisé déambule. Le bonjour en réponse est peu audible, ce n’est pas grave. Ils cherchent une maison.
Et partout l’incroyable vue…
La paix règne ici
Dans ce bout du monde que la beauté submerge, tout est poésie. Excepté l’église qui n’est pas des plus belles, il n’y a heureusement pas de ces bâtisses utilitaires des années soixante ou soixante-dix comme on peut en trouver plus bas. Aucun angle n’est vraiment droit. La pierre domine. On voit de grosses maisons imposantes. Du temps sûrement où « ça rapportait » mais rien d’ostentatoire. Un tracteur est garé devant une bâtisse superbe. Les jardins sont entretenus mais sans exagérer dans la mise au garde à vous des allées… Ici, la beauté est juste, pas trafiquée pour les touristes, sincère, simple, pas retouchée… ce qui ne veut pas dire que l’endroit ne serait pas entretenu… mais « on ne se la pète pas ».
Non, ce qui frappe, c’est une façon d’être dans le moment présent. Nous sommes suspendus au sens propre et au sens figuré.
Voilà, c’est juste ça. Mais c’est un trésor, une rencontre précieuse dans l’époque énervée que nous connaissons.
Et nous sommes rentrés apaisés, emplis de douceur et de reconnaissance.