Tu comprends, ils avaient annoncé la pluie. Alors j’ai traversé la journée à vive allure pour éviter l’averse. Il n’a plu que trois gouttes. Ce soir le ciel est à l’orage mais les oiseaux chantent comme jamais. Ici, à cause de la vallée, des falaises et de la rivière, le temps prédit est souvent démenti. Mais j’aime ces journées de joie où chacune et chacun vaque avec entrain…
Le matin à vélo

Il y avait du monde au village. Une bonne odeur de vacanciers frais qui emplissaient les magasins, impatients. Ça met un peu de jeunesse dans les rues. Il y a ceux qui ne savent pas comment on passe le pont à une voie sur le Lot. Ils sont amusants, ils ont peur sur la passerelle de fer qui chante sous les pneus. D’autres qui marchent au milieu de la rue pensant qu’il n’y a pas d’autos au cœur du village. Lequel est inondé de glycines. Des vieux avec leur petit chien au bord de la rivière. L’ambiance reste débonnaire et douce.
Mon vélo est mécanique, je peux faire le fier mais je n’ai pas de muscles pour grimper sur le causse. Alors, je m’en tiens à longer la vallée, le long de la voie de chemin de fer déferrée.
Il y avait les plongeurs au trou d’eau, à la résurgence, avec leurs bouteilles d’oxygène. Des paysans dans leur champ, des chiens frétillants aux grilles, un garçon qui peinait avec son débroussailleur, un type hagard sur la route, un autre à sa fenêtre offrait des légumes à une dame tirant une petite charrette. Tout était beau partout, dans une ambiance printanière comme si chacune et chacun vaquait avec honneur à nourrir son bonheur.
La seule note triste, fut ce chevreuil dans le fossé, la tête coupée. Renversé sûrement par un homme pressé.
Au jardin
J’avais des choses à faire et puis le chien voulait jouer. Je lui lance des balles en tentant de travailler. Tout pousse si vite. Je tonds avec parcimonie en maintenant des zones libres et fleuries. Les insectes grésillent partout super affairés eux-aussi. Les oiseaux ont récupéré la dernière touffe de poils de Galou que je leur avais laissée au nichoir. J’en entends qui grattent dans la gouttière. Un nid là haut ? Mauvaise idée quand il va pleuvoir.

En même temps j’ai enfourné une tarte aux pommes, sans sucre, mais pas sans crème ni amandes, j’ai bricolé le site, fait les comptes, vérifié les impôts qui augmentent et l’auto dont la jauge était coincée. Je déteste plier le linge et la chatte a réclamé plusieurs fois à manger, venant vers moi en miaulant avec instance alors que sa gamelle était pleine. Comme toujours.
Le chien réclamait, alors nous sommes sortis pour un tour de marché. Il aime ça parce que les bonnes odeurs n’y manquent pas et nous croisons toujours d’autres chiens impressionnés par le vieux gros. Les fraises exultaient sur les étals. Un rouge plus vif que le sang. Je n’ai pas trouvé de safran. J’y ai pensé trop tard, il parait que c’est bon pour les vieux.
Et deux appels au téléphone et je ne sais plus quoi encore, pas vraiment soufflé, pas ouvert un livre, écouté juste un bout du feuilleton américain où ce vieux réactionnaire pathétique me rappelle ces mômes qu’on choppait dans la cour ayant fait des bêtises et qui niaient l’évidence en se rengorgeant.
Une journée de rien n’est-ce pas ? Pas une journée de grandes œuvres, pas une journée de grandes réalisations. Mais une journée de jubilation. Une journée de récréation loin des catastrophes diverses, des sermons et des drames du monde.
Mais aucune indécence là dedans, aucune indécence dans la joie simple des gens qui font ce qu’ils ont à faire, qui prennent leur place dans le paysage, qui lui donnent vie, qui répondent à mes bonjours quand je les croise et qui ne demandent qu’à vivre tranquilles dans leur vallée…
Et je l’ai goutée cette journée vive et savoureuse !
Une part de tarte aux pommes ?