Flemme. Par la fenêtre du bureau j’admire le soleil de décembre qui baigne bravement le jardin de ses rayons. Le ciel est pur. L’air est frais et lumineux. Il fait si bon et j’ai la flemme. Flemme d’écrire des choses intelligentes, flemme d’ouvrir ce livre d’un philosophe. Flemme. La procrastination me guette. C’est grave docteur ?
Déjà ce matin
Je suis allé au marché. Je n’avais rien à acheter. Rien que pour rêvasser et déambuler entre les légumes d’hiver, les jambons et les fromages. Rien que pour laisser mon oreille trainer dans les bavardages et mes yeux dans les couleurs. On vend tant d’objets bizarres dont j’ignore l’usage. Les homme du crû ont non seulement l’accent mais ils parlent si vite et fort. On dirait un torrent de paroles qui roulent sur les galets. Presque une langue étrangère où se glissent mine de rien, des mots d’occitan. Nous avons traversé la ville avec le chien, lui humant, moi au spectacle. Dans l’air frisquet les gens attendaient pour un peu de charcuterie ou de pain au levain. Vieilles dames habituées, vendeurs emmitouflés, quelques lycéens entre deux cours se taquinaient… je soupçonnais sans rien dire une école buissonnière et j’étais presque jaloux de ne pouvoir la faire.
Rien de plus banal qu’un marché d’hiver et rien de plus extraordinaire que cette paix civile loin des drames de la télévision. Il faut prendre le temps de regarder les gens.
Il rentrera plus tôt que prévu
J’allume quelques minutes la télévision. J’apprends que réalisant soudainement qu’il avait un premier ministre à nommer le président écourte son voyage en Pologne. Un bref instant, j’imagine que l’avion ne rentrera jamais et se perdra…
Mon coach de « slow- life » me donne quelques conseils. « Sois zen, n’hésite pas à te détendre et souffler, regarde moi, c’est simple et très agréable tu verras. »
Je la regarde admiratif. Elle parvient à faire abstraction de tout et se détendre à la perfection. Quelle merveilleux exemple ! Elle sait saisir le bonheur qui passe et ne loupe pas celui du soleil qui traverse la vitre.
Elle n’a pas tort. Et si j’osais comme elle ne rien faire ?
J’ai flemme mais…
Je n’ai aucune sorte d’obligation particulière ni d’urgence. J’ai flemme mais… j’ai été si bien dressé toute ma vie, que ne pas produire quelque chose un jour, ne pas me mettre en action, flemmarder vraiment… ça fait des lustres. Et pourtant, aujourd’hui je suis payé à ne rien faire.
L’autre jour écoutant Elliot et me découvrant dauphin, je réfléchissais à la façon de rendre mes journées plus productives. Flemmarder sans culpabiliser, je n’y arrive pas vraiment encore.
Lâcher prise ! lâcher prise !
Tu parles, j’ai fait un détour par le jardin pour désherber un peu…
Je crois qu’adolescent je savais. De temps en temps. Je me débrouillais pour expédier mes devoirs et faire ce que je voulais. Ce n’était pas vraiment flemmarder… même si ça pouvait être me retrouver au lit avec un bon bouquin et un chocolat au lait. En général c’était pour écrire des poèmes, des chansons ou des lettres d’amour.
Flemmarder sans culpabiliser n’est pas aisé.
J’essaie de me trouver l’excuse de la fatigue. Cette petite fatigue d’hiver quand on a besoin de se réconforter d’un bon feu, d’oranges douces en écoutant Thomas Fersen…
Hier, lors d’une conférence, oui parce que je suis des conférences, une brave dame racontait qu’il fallait « prendre le temps de se détendre », « travailler sa cohérence cardiaque » tout ça tout ça et qu’après on était drôlement plus efficace.
Si j’avais été vraiment courageux, j’aurais flemmardé sans écrire ce texte.
Mais là je dois vous laisser, c’est l’heure de mon thé au ginseng et de ma poire.
Si on me demande… si on me demande, ne dites rien. Il est possible que je flemmarde jusqu’à demain. Voilà, c’est tout pour aujourd’hui !