Hier je vous parlais d’une journée réussie et de l’importance de savoir prendre soin de soi et des autres. Parmi les façons de prendre soin de soi, il y a la marche, la méditation. Depuis que je suis tout petit, je me lie régulièrement et intimement avec un lieu. Ce lieu qui compte, en général je l’ai découvert seul et j’y reviens souvent. Je pourrais mettre un pluriel, car à chaque âge, chaque région où j’ai pu vivre, je peux associer un lieu emblématique, presque mystique et spirituel, un lieu sensuel aussi.
Retrouvailles
Au fil des jours, des saisons, selon l’heure, le lieu en question peut changer. Mais quand je reviens vers lui, j’éprouve non seulement la joie d’y revenir, mais la sensation d’être accueilli.
C’est là. Je me sens à la fois pleinement libre et chez moi, mais je ne me sens pas seul dans le paysage. Je me sens étroitement relié aux différents éléments qui le composent. Je suis dans le flux du vivant et je suis comme invité à y prendre place.
Je vous ai déjà conduit sur le causse. Aux heures où je me présente il y a souvent peu de monde. Je l’avoue, j’aime y être seul avec le chien.
Nous descendons de voiture, assez loin. Une barrière symbolique ferme l’endroit et le distingue comme un espace à part. Le chemin de Compostelle le traverse, on y trouve un dolmen et d’autres symboles religieux. Si la dimension mystique me touche, aucune allusion à la religion où à un Dieu ou un autre ne pourrait me traverser.
Une magie supérieure habite pourtant le plateau et nous sommes reliés immédiatement au caillou que la chaussure bouscule et au vaste horizon sous le ciel immense. C’est une sorte de cathédrale ouverte, intense, gigantesque et intime.
Au début, il y a quelques mois, je ne savais pas encore que c’était ce lieu. C’est comme une histoire d’amour. Vous êtes bien, mais est-ce que ça va durer ? Le coup de foudre fut immédiat mais ce furent bien les retrouvailles à chaque fois renouvelées qui confirmèrent ce bonheur pur.
Se sentir chez soi
Quand j’arrive là, c’est comme si je rentrais à la maison. Je n’ai pas de véritables racines, je n’appartiens à aucun lieu, aucun pays, mais ce lieu m’accueille à chaque fois avec la même générosité.
L’espace m’enveloppe, m’étreint presque tout en me libérant et m’ouvrant au monde. L’émotion est là, le cœur s’accélère. Vous pourriez moquer les larmes de joie qui parfois me submergent.
Et lui !
On connaît à l’homme bien des perversions. Je sais bien que je ne commettrais pas avec lui le péché de chair. Il n’empêche que je suis amoureux de cet arbre et à la façon dont il frémit en me reconnaissant, lorsque je m’approche de lui, je sais que c’est réciproque.
C’est un amour libre, pas envahissant, mais c’est un amour sûr, entier et sincère.
Dans ce paysage incroyable ouvert sur le Quercy, d’où l’on peut voir au loin les contours du Massif Central, là où règne une sagesse tendre, il est, dans ce présent d’éternité, immobile et traversé de sensations, mon ami, mon arbre-amour.
C’est lui qui m’explique sans parler pour que je comprenne ce paysage, c’est lui qui me rassure.
Et sans avoir trahi les uns pour les autres, je sais qu’à chaque époque de ma vie s’associe ainsi un lieu qui n’est pas simplement joli, sûrement pas une histoire de carte postale… C’est dans ces lieux que je peux être reconnaissant d’être au monde. Dans de tels lieux que je peux tout à la fois m’élargir, m’augmenter et m’emplir de ce grand tout du vivant et de l’immuable, c’est là qu’on effleure l’éternité dans son réel.
C’est alors, sans réfléchir, que j’appartiens à la poésie.