Le causse au couchant, le causse la nuit, au matin, en hiver, l’été… Monter à Gréalou, tout près de la maison ce n’est pas voir de beaux paysages. C’est bien plus. Le lieu est mystique, poétique, consolateur. Le promeneur qui saura avoir les sens en éveil et se laisser traverser de tout ce flux vital connectant ciel et terre, en reviendra empli d’une énergie douce et puissante.
Le causse c’est mon océan
Galou est maintenant trop vieux pour que nous puissions faire la grande balade à pied. Mais à présent, lorsque je gare la voiture après avoir monté la route sinueuse, il reconnaît l’endroit. Il souffle fort, il est à sa joie. Il est même tombé, il se relève vite comme s’il fallait boire toute la vie qui passe ici.
À perte de vue, le causse c’est mon océan. Au loin les contours du Massif Central restent mystérieux. Je pourrais rester des heures. À chaque passage un nouveau détail apparaît.
On entend encore quelques chevreuils qui « jappent ». Nous percevons dans une descente les clochettes des brebis cachées derrière les broussailles. Les oiseaux traversent l’espace… Un soir, un peu tard, nous étions tombés nez à nez avec cette laie qui hésita à charger mais nous laissa heureusement tranquilles… Galou n’aurait su courir…
Il y a partout ces murs de pierres sèches, œuvres inlassables qui témoignent que l’espace en apparence sauvage est façonné par l’homme.
Vous avez dit mystique ?
Le dolmen au couchant prend une autre dimension. Non loin, une croix rappelle que les différents cultes ont été sensibles au lieu. Le chemin de Compostelle passe par là.
Je ne peux m’empêcher de penser aux mains humaines qui soulevèrent la pierre. Il est vain de philosopher. Il est difficile de décrire ce que l’on voit, ce que l’on ressent. Il faut juste accepter de laisser l’endroit s’emparer de vous. Il y a ainsi quelques lieux sur la terre qui mêlent nature, joie, sagesse, amour. Ici, vous êtes accueilli, vous êtes dans la main de la vie, dans ce réel qui touche l’éternité même si le temps n’y est pas immuable.
Ici, je suis homme et enfant. Parfaitement moi-même, en adéquation, au bon endroit, exactement, n’ayant de compte à rendre à personne. ici, s’éprouve le sel vibrant de la liberté ultime. Ici se touchent la naissance et la mort.
L’amitié de l’arbre
J’ai des amis humains, j’ai des amis parmi les animaux. Et puis j’ai des amis arbres. Près de la maison, il y en a un au bord de la rivière, mais lui, près des cazelles, il est à la fois majestueux, imposant et en même temps accueillant. À l’instar des baobabs africains, il est de ces arbres sous lesquels on pourrait s’allonger pour lire ou mieux encore, raconter des histoires… Et il doit en connaître de ces légendes qui courent sur le causse.
Parfois d’autres arbres vous saluent au passage. Celui-là, a choisi la protection du mur de pierres sèches mais s’est placé face à la vue immense sur le Quercy. On dirait qu’il fait signe au passage, il se détache des autres…
Du côté des cazelles, ces cabanes d’artistes elles aussi en pierres sèches, il y avait trop de monde pour photographier. Des petits groupes s’étaient installés là face au soleil couchant.
Jeunes touristes, il faut un peu négocier un « bonjour » ou un « bonsoir » … De quoi avez-vous peur ? Pourvu qu’ils sachent préserver le lieu… que la magie opère. Certains sont venus avec des cartons de nourriture « transformée » achetée au village. Soit. Mais je ne suis pas certain que ce soit faire honneur au lieu.
Je voudrais bien une nuit dormir dans l’une des cazelles, en août, pour admirer les étoiles filantes… je crains que la place ne soit prise…
Cartes postales
On peut ici faire collection de cartes postales. Les images pourtant ne rendent pas l’émotion ressentie, la puissance du causse.
Fatigué mais tout à sa joie, c’est dans les yeux de Galou que je comprends qu’il a partagé ce bonheur, qu’il est sensible à l’endroit, que lui aussi a fait le plein d’énergie. Nous nous sommes toujours compris dans la merveille de ces paysages que nous n’avons eu de cesse d’explorer ensemble, des Alpes à la Bretagne et maintenant en Occitanie.
Alors nous avons dormi dans cette joie parfaite, non pas insouciants du monde et de ses questions, mais apaisés. Et c’est déjà du bonheur…