Je ne suis pas devenu adepte de l’écosexe et je n’ai pas sombré dans la dendrophilie. Mais je crois bien que je suis amoureux des arbres ou en tout cas de certains d’entre eux. Je peux vous avouer que je fréquente régulièrement quelques arbres avec lesquels j’entretiens une amitié aussi chaste de désintéressée mais hautement particulière et intense. J’aime les retrouver, j’aime ces rencontres. Ce matin, j’en ai découvert un que je ne connaissais pas et l’émotion était au rendez-vous.
Sur le causse
Je vous parle souvent de ce chêne sur le causse, tout près des cazelles.
Celui là, je l’aime parce qu’on le voit de loin, qu’il semble à chaque fois vous accueillir les branches ouvertes comme s’il n’attendait que vous. Ce sont des retrouvailles toujours émues et chaleureuses quelque soit le temps ou la saison, les couleurs qu’il se donne selon les occasions. Il prend si belle place dans le paysage.
Familier, rassurant, contemplatif. J’ai souvent dit qu’il en savait probablement long sur nous, les passants. Il a certainement recueilli nombre de confidences, il a su apaiser les esprits en sage et veiller sur les cazelles. Il est l’un des meilleurs thérapeutes de la région. Il travaille gratuitement.
Il faut avouer que lieu se prête à la méditation avec ses merveilleuses cazelles jumelles.
Depuis la dernière visite un « cairn » a poussé juste à côté tiré du tas de pierres qui était là. Il faut être prudent et ne pas aller décrocher des pierres pour le plaisir de monter ces édifices au risque de déstabiliser là un sentier, ailleurs une plage. J’avoue que celui est réussi.
Pierres, mousses, arbres
Ici le vent remet tout le monde à la raison. L’espace libre est visité par les troupeaux, les sangliers. On trouve quelques maisons effondrées, des murs de pierres sèches bâtis avec patience. Selon les saisons, la mousse joue avec la lumière pour offrir des décors de contes. En cette fin d’automne, les arbres se déshabillent et offrent une toute autre lecture du paysage.
La rencontre
Si le premier chêne près des cazelles est comme un amour fidèle, il faut avouer que je suis quelque peu polyamoureux surtout lorsqu’au détour de la promenade, derrière un mur, en retrait, discret et pourtant imposant, on rencontre un inconnu et que soudain l’émotion vous traverse. Cette beauté, cette présence, cette vie qui passe ne saurait laisser indifférent. Alors on se rapproche, on quitte le sentier pour aller le voir de plus près. S’il est muet, l’arbre vous regarde et s’empare de vous, magnétique. C’est indicible la présence dont sont capables ces doux mastodontes, ces géants de tendresse.
La force de cette émotion tient dans ce qu’elle a d’inexplicable, dans le lien à l’histoire humaine comme à celle du vivant, mystique des racines plongées dans la terre au ciel ouvert et immense. L’arbre est puissance poétique, poète et poème, message et mystère. Sa langue universelle nous désigne et nous reconnaît. Dans cette rencontre, dans ces sentiments puissants qui se déploient à l’intime, j’appartiens à l’arbre. Sa beauté est équilibre. Il ne s’empare pas de moi pour me posséder, mais pour élargir ma pensée, ma vision, ce que je suis. Je ne sais imaginer ce que je peux lui donner en lui parlant et lui témoignant de mon admiration, de mes émotions. Je sais que je reçois et que je vais partir empli de lui…
Avec le chien qui partage la même joie, nous rentrons à chaque fois émus et emplis de ces douces rencontres. Ce n’est pas rien.