Hier mercredi, c’était un poème pour les enfants. Mais le poème offert à lire ou à écouter en ce jeudi ne nous éloigne pas d’eux. Évocation de ce moment douloureux pour certains enfants qui doivent chaque soir, rejoindre la nuit et affronter seuls leurs premiers rêves et les mystérieux apprentissages nocturnes.
À écouter
Jeu du jour : trouver la petite erreur entre le texte lu et le texte écrit… un mot a changé…
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Le texte
Les gens disent souvent :
« Tiens, il fait nuit ! »
Ils n’ont pas senti la nuit tomber
Ils constatent, par inadvertance
Une fois que c’est fait
« Il fait nuit »
Puis, ils pensent à autre chose
Ils vaquent à leurs occupations
Ils boivent un verre entre amis
Préparent le repas du petit
Le jour est tombé
Ça n’a rien d’extraordinaire
Anormal, serait le contraire !
On ne vit pas aux pôles, petit Paul
Mais au cœur de notre hémisphère
Dans l’Europe qui légifère
Sur la science et le bonheur
L’art et la manière
Un jour qui tombe
À la bonne heure
Ce n’est pas la mer à boire
« Quelle réaction singulière !
Je n’arrive pas à y croire »
Dit incrédule son père
Car pour le petit Paul
C’est sur ses épaules
Comme un lourd manteau sombre
Que la nuit chaque soir tombe
Il sent son poids pesant
Il sent jusqu’à l’odeur de la nuit
Il se sent lourd et tristement
Il ressent le jour qui s’enfuit
La nuit, tombée sur nous
La nuit à deux genoux
La nuit des loups jaloux
Tout à l’heure sur l’oreiller
Les battements qui vont cogner
Ceux de son cœur brûlant ses tempes
Lorsque dans la nuit, il entre
Seul, avec son enfance
Dans la nuit, il avance
Sur un radeau sans lumière
Flottant tout léger dans l’éther
Les gens n’ont pas senti la nuit
Ils n’entendent rien au mystère
Ils constatent et ça leur suffit
Il fait nuit, ce soir comme hier
Mais petit Paul est mort
Au creux de son petit lit blanc
Il dort, il dort, il dort encore
Ou bien il fait semblant
La nuit l’a pris, l’a bu, dans son océan
La nuit, pour toute la nuit,
Possédera l’enfant
Louve avide et tendre
Ah ! la tétée de rêves
Paul vogue, qui peut comprendre
La nuit l’a pris, la nuit l’achève
Et se déprend de lui
Sur le bord mouillé d’un matin
Il oubliera même son chagrin
La nuit, retirée
La nuit, c’est son destin
L’attendra pour sa faim
Ogresse, amoureuse implacable
Petit Paul livré par le marchand de sable
Et les adultes ne savent rien
De la douloureuse enfance
Qui chaque nuit part en errance
Pour y faire son apprentissage
D’enfant seul, d’enfant sage