Je suis perdu

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Aurore

Le texte s’est improvisé tout seul. Puis un soir, dans l’intention de le lire à haute voix, il s’est chanté tout seul, le voici dans son jus en une prise directe….

Perdu

©Vincent Breton paroles et musique

Je suis perdu

Sous mes paupières closes, 
La lumière me transperce

La pierre posée à la croisée des chemins
Debout
Me désigne


Dans ce creux de roche,
Ma pensée
Immobile et froide

L’eau croupit, fade

Dans le champ d’à côté
Sont arrivés,
Le cheval noir,
Le cheval blanc
Ils broutent méthodiquement
Ce qui me restait de brume et de rêve

Je n’y parviens pas
Je ne me résume pas
Le regard perdu
Dans la petite flamme d’une bougie

Flamme de sang

Je suis perdu
Je me suis perdu
Le chemin était escarpé
La nuit est tombée
Si vite que mes mains ne savent plus que se laisser mordre
Aux branches
Aux ronces

L’écorce du chêne est froide

Le ciel
Sombre
Mes mains
Muettes

Les oiseaux se sont tus
Pas un murmure sous la ramure
Rien qui ne me rassure
Que l’usure de ma semelle

Je ris
Je ris d’un sale rire de crécelle
Et mon abominable rire se cogne à la falaise

Ce n’est pas de la douleur
La couture d’une cicatrice
Ne fait pas le souvenir

Il ne restera rien
Je suis perdu
La boussole est sèche

Les étoiles silencieuses
Restent d’encre
Et l’océan étal ne défait plus sa laisse
Que sur le cadavre de dauphins morts

Je suis perdu
Je me suis perdu

Mon enfant a les reins brisés
Il gît
Sous la cadence infernale du siècle
Mon petit garçon
Mon enfant secret
Mon petit garçon est mort

Toi qui m’enfantas un jour de décembre
Entre les jambes lourdes du squelette maternel
Tout se brisa dans l’odeur amère du placenta
Tu n’aurais jamais dû rester dans cette pièce

Je marche,
Je marche encore
Je suis perdu
Je me suis perdu

Qui a déposé une petite pierre sur ma tombe
Et ne sait pas faire la paix ?

Qui a marché sur le visage de tous les enfants morts
Qui nous regardent
Étoiles aux yeux crevés ?

Enfants sans comptines ni psaumes
Enfants qui psalmodient en cadence
Tandis que la nuit nous encercle
Et que les loups sortent honteusement

Parce que les loups ont la honte absolue
Mais ils se fondent dans la nuit

Ils ont tiré par les jambes le cadavre de mon enfant
Et le dévorent

Je suis perdu
Je me suis perdu

Dans la nuit, je vois, les yeux brillants d’un jeune loup
Qui me fixe, avec patience

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