Faut-il donc du courage pour être soi ? Voilà la question du jour dans cette semaine consacrée au courage. Il y a quelques années (en 99) Jacques Salomé publiait un petit livre qui fit sensation. Derrière lui, s’engouffrèrent tout un club de coachs, psys et autres thérapeutes qui ne dirent pas que des choses intelligentes… Il y a des histoires de souffrance, de fidélités sincères ou obligées, de pressions… Vouloir « être soi » c’est prendre le risque de quitter un leurre pour un autre, surtout si on se croit le centre du monde… ce serait plutôt à mes yeux refuser d’être malade de « soi » et oser agir par choix plutôt que par devoir en cohérence avec des valeurs explicites qui impliquent l’autre. Parfois il faut oser pour avancer, mais culpabiliser ne serait pas une meilleure option.
On est toujours soi-même
Mais enfin, on est toujours soi-même. Sauf à être fou, sauf à se nier en jouant un rôle. Alors comment se regarder dans le miroir ? Seulement, parfois, piégé par les circonstances familiales ou sociales, on se conforme à une exigence, on porte un masque. On joue un rôle. Au risque de se perdre. Ce n’est pas vraiment de la lâcheté. On pense se protéger.
Ce masque peut devenir pesant, une entrave plus lourde qu’une armure de métal… alors il faut la fendre avec plus ou moins de fracas. Ça peut surprendre le moment venu.
Les épreuves n’ont pas manqué, elles étaient parfois envahissantes et nuisaient par exemple à mes relations sociales mais j’ai beaucoup appris grâce à elles, notamment à reconnaître celles et ceux qui avaient pu en vivre de similaires et faire preuve d’empathie ou les épauler. Nous nous reconnaissions – et nous aimions même- dans nos différences. On est un peu moins con quand on a connu des épreuves à la condition de ne pas en tirer gloire pour infliger cela aux autres comme une revanche de héros orgueilleux. Il ne faut pas devenir un « parvenu » de la résilience. Aucune gloire là-dedans.
Les romanciers s’en sortent en glissant leurs histoires dans leurs bouquins. Thérapie pour eux, aide pour les autres qui se sentent moins seuls.
Il a fallu longtemps se taire, se soumettre à la norme et à la pression sociale.
Dans sa « charte de bien être avec soi-même » , Salomé affirme la possibilité de « découvrir à tout âge que je suis partie prenante et co-auteur de tout ce qui m’arrive ».
Hum… On en parlera aux victimes de viol. Il y a tout de même des accidents, des bombes reçues sur la gueule dont on n’est en rien responsable et pas le co-auteur.
Après, il faut apprendre à savoir dire non. Il faut s’autoriser à cela, en avoir le courage.
On peut aussi être victime de l’intolérance. Alors il faut composer avec, lutter contre, trouver des alliances.
J’ai eu la chance de ne pas m’être trouvé dans la nécessité de m’accepter moi-même. Je ne me suis jamais nié. J’ai du jongler avec des modèles qui n’étaient pas forcément classiques pour avancer.
A postériori, je me dis que parfois, j’aurais pu oser mieux m’affirmer. J’ai dû rompre des relations, rester évasif dans d’autres situations ou m’isoler pour éviter d’avoir à subir une pression sociale pénible. J’ai composé avec. Je l’ai joué discret. Mais en même temps, j’ai pu, parfois au prix d’un certain cloisonnement, préserver des espaces de liberté où je pouvais être vraiment moi-même, pleinement… avec d’autres.
Car la question n’est pas d’avoir le courage d’être soi, mais d’être soi avec les autres.
L’assertivité
J’ai toujours voulu m’affirmer sans m’opposer. Il s’agit là de pouvoir se vivre dans ce que d’autres peuvent comprendre comme une différence mais qui est pour moi la norme intime. Cette « norme » est éthique, respectueuse d’autrui, responsable, respecte les lois sociales quitte à en demander l’évolution… C’est tout à la fois refuser la dispute et renoncer à être approuvé ou aimé par certains… Je n’ai jamais cherché à fonctionner à l’applaudimètre.
Agir par choix plutôt que devoir
L’éthique va me guider, mais mes actes doivent être choisis. Il y a des conventions sociales mais je conserve mon libre arbitre… Ce n’est pas l’égoïsme qui me guide mais l’évaluation de la situation : est-ce que c’est bon pour moi ou est-ce que l’on va me demander de renoncer à être moi-même ?
L’exemple classique est celui des cocktails mondains. C’est sans moi sauf si c’est pour un ami… La plupart du temps j’y resterai muet. Je préfère d’autres fêtes…
Je refuse aussi les situations où ma propre souffrance pourrait être réactivée au delà de ce que je pourrais gérer. C’est un conflit entre le courage de se plier à un truc traumatisant et le courage de se préserver par ce que j’évalue de ma place, les conséquences négatives que je pourrais vivre… Je choisis !
Agir par choix ne veut pas dire être sûr de soi dans l’absolu, mais tenir compte des circonstances et oser cheminer en dehors de ce que les autres attendent de vous ou de l’image qu’ils en ont. On peut expliquer, mais culpabiliser ne sert personne. Ce que je cherche c’est ce qui sera bon et « utile » (non pas dans le sens utilitaire) mais qui va m’enrichir le cœur, l’âme, l’esprit, m’ouvrir de nouveaux horizons, de nouvelles perspectives ou rencontres…
Choisir c’est prendre un risque.
Du courage ?
Dans cette affaire, c’est souvent une question de distance avec ses propres peurs. La plupart du temps, il faut mettre de la distance, ne pas dramatiser, lâcher prise… et l’on se rend compte que l’obstacle n’était pas une montagne.
Les autres n’ont rien vu de ce faux pli à la chemise ou de cette cravate mal nouée… Et même s’ils ont vu cela, s’ils se sont arrêtés à ces détails, c’est leur affaire…
Notre peur est souvent disproportionnée. On ne risque rien de grave…
Il me semble souvent que ce que nous appelons « courage » c’est juste oser mettre le pied à l’étrier, juste se lancer, y aller. Une fois que c’est parti, c’est parti… un peu d’humilité, ce n’est pas si important.
En revanche, une fois que l’on ose être soi, que l’on évite de se trouver des excuses dans son passé pour ne pas s’emparer du présent, que l’on ne se verrouille pas d’objectifs impossibles, inatteignables, alors, si on s’accepte, on peut-être soi…
Ça ne veut pas dire ne pas cheminer, au contraire. Je suis moi parce que je continue d’apprendre et d’évoluer. Je ne suis pas « fini ». Mais le courage d’être soi, c’est se dire qu’à tout moment on peut modifier le cours de sa vie et agir en étant conforme avec ce que l’on ressent, ce que l’on est… C’est le courage de ne pas se mentir. Ça c’est dur parfois…
Il y a aussi ce postulat qu’on peut souffrir, avoir besoin de souffler… mais que l’on est tout à fait légitime, qu’il n’y a pas d’imposture à oser être heureux, à l’être même pleinement, au moment où l’on vit même si de l’extérieur certains voient des manques, des incomplétudes au regard de leurs propres normes et modèles… C’est leur problème, pas le mien…
Je me délecte de rollmops. Je sais que beaucoup détestent ça.
Le courage d’être soi ? Ce serait alors quelque chose comme le courage de s’accepter et de s’en foutre un peu du regard des autres… non pas en agissant pour déplaire, mais en agissant parce que c’est bon à ce moment là…
Vaste et riche réflexion sur le courage… Ce qui revient à avoir une réflexion sur soi ! Le courage de se connaître !