Ce matin j’écoute The shadows Of Time d’Henri Dutilleux. L’œuvre dure une vingtaine de minutes. Je peux l’écouter et la réécouter. Sombre, avec toutes les questions du vingtième siècle, polyphonique, raffinée et moderne, elle ouvre l’espace et le temps avec une puissance poétique dont l’intensité ne cesse de me bouleverser à chaque fois. Et de plus en plus.
« Pourquoi nous ? Pourquoi l’étoile ? »
Les trois voix d’enfants nous renvoient à la question. C’est « pour Anne Frank et pour tous les enfants du monde innocents » que Dutilleux a écrit cette partition en 1997. Il n’y a pas si longtemps.
Oui unité de l’espace et du temps, images transcrites et transfigurées ici par un Dutilleux hanté par les crimes du vingtième siècle… Est-ce un grand théâtre pessimiste ? La vie passe de l’ombre à la lumière et la mystique prend une « dominante bleue ».
Chacune, chacun entrera dans le chef d’œuvre à sa façon. J’en aime l’interprétation du Boston Symphony Orchestra, mais celle donnée en 2015 par l’orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de l’incroyable Mikko Franck, chef finlandais, avec peut-être d’autres couleurs, nous prend si fort.
Admiration
Il me semble que le talent de Dutilleux, certes reconnu dans le monde de la musique, mériterait d’être mis en avant plus largement. Le musicien puisait son inspiration dans la vie, mais aussi dans la peinture ou la poésie avec cette capacité à faire se rejoindre tous les arts.
Au delà, je suis convaincu que sa musique n’a rien d’élitiste et pourrait être popularisée si plus d’efforts étaient faits en ce sens. La télévision et la radio restent tellement timides.
Nous avons de très grands musiciens contemporains. Ils imaginent pour nous un trésor qui mériterait la lumière…
Trois fois
Ce matin, j’ai écouté trois fois à la suite cette même œuvre dans deux interprétations différentes. Chacune de ces écoutes a pu mettre en avant de nouvelles nuances, de nouvelles couleurs que je n’avais su percevoir la première fois…
Il en va de même avec certains tableaux que l’on redécouvre à chaque visite au musée ou de certains poèmes ou romans… Il en va ainsi des histoires d’amour où l’on reconnaît l’autre mais où l’on est capable de le redécouvrir et d’en apprendre de nouvelles dimensions… Alors de nouveaux espaces s’ouvrent en nous-mêmes, sur nous mêmes et le vaste monde !