Oui, hier, rude journée pour Monsieur Galou que la maladie et l’âge rattrapent. Là où de vieux chiens s’aigrissent, deviennent agressifs, il ne cache pas sa douleur mais reste doux. Une crème de chien à l’infinie tendresse. Il montre aussi une forme de ténacité dont j’avais déjà parlé. Ce très vieux monsieur, ce serait un centenaire s’il était humain, ne cesse de donner des leçons. J’écris, et j’entends son souffle doucement sur le tapis. La vétérinaire m’a demandé de la rappeler pour lui donner des nouvelles.
J’écrivais quand je l’entendis
Pas un pleur mais des bruits sourds. Il était sur son tapis préféré. Impossible de se relever, dans un mélange de panique et de douleur, il se cognait.
Impossible aussi de parvenir à l’aider à se relever comme il m’est déjà arrivé de devoir le faire.
Si rien ne laissait présager le blocage, l’arthrose est bien installée depuis un moment. Il bénéficie de soins qui ne font qu’atténuer la douleur. Cette maladie est fréquente chez les labradors (il est métisse labrador-malinois).
La vétérinaire
Il y a vingt kilomètres d’une route tortueuse à parcourir pour rejoindre notre vétérinaire. C’est une vétérinaire de campagne, qui travaille tous les jours, sans ménager sa peine ni son temps.
Ce n’est pas tout à fait comme dans la série pleine de bons sentiments que diffuse M6 – oui comme ça vous saurez que je fais la sieste devant ce genre de choses apaisantes bien qu’un rien niaises- mais ce n’est pas si loin: la vétérinaire accepta de nous prendre en urgence. Quand nous sommes arrivés, elle soignait un cochon mal en point, allongé dans une fourgonnette comme dans une ambulance. Elle l’équipait d’une perfusion.
Le plus dur était de porter Galou. Il pèse plus de quarante kilos et pas très coopératif surtout à l’arrivée. Il pleuvait la belle averse et je n’ai pas manqué de me casser la figure avec le chien dans mes bras.
Examen, piqûre “magique”… un traitement que nous connaissons déjà.
Même Isis avait compris
La chatte sait évaluer tout de suite l’état du chien, qu’il y a un truc qui ne va pas. Elle se fait discrète mais ne manque pas d’aller embrasser le chien sur la truffe. Délicatesse.
Quand il y a deux ou trois ans, il avait été gravement malade, soigné pour une infection bizarre, elle l’avait veillé comme une infirmière, collée à lui.
Lui a su marcher de nouveau, faire le tour, s’alimenter à peine, faire ses besoins et dormir, dormir, dormir…
À quatre heures trente, il a réclamé à sortir. Faire ses besoins, dormir. Il a besoin de récupérer.
Le ciel s’assombrit
Mais le ciel s’assombrit. Forcément. Limiter la souffrance, pouvoir bien communiquer. Il est trop tôt pour le moindre pronostic. Dès la première rencontre, la vétérinaire, étonnée de son âge, le considérait quelque part en “sursis” ou vivant ce plus… Je ne saurais me projeter. Dimanche soir encore, il me tanait pour jouer à la balle.
Je parle souvent de souffle vital. En ce moment je suis suspendu au sien. Depuis des mois sa respiration est plus difficile, j’ai souvent peur que le cœur ne l’abandonne.
Nous sommes déjà si peu doués pour accompagner les humains qui meurent, alors, on ne prépare guère les humains à accompagner leurs animaux. Ce n’est pas la première fois que j’ai un chien ou un chat. Je sais un certain nombre de choses. Peut-être aussi qu’en écho de sa souffrance, il y a les questions sur ma propre mort et ses conditions, puisque le temps avance.
Ce n’est pas la mort qui effraie, c’est la souffrance et chez l’animal, la difficulté de pouvoir la dire.
Tout à l’heure, nous avons eu encore un de ces moments incroyables, tête à tête, lui allongé. Il sait mettre sa patte sur moi et nous savons que quoi qu’il arrive, nous nous aimons.