Même si parfois je peux laisser entendre ma déception, j’ai pour principe de ne jamais proposer de critique négative d’un spectacle, que ce soit un film ou une pièce. C’est à chacune et chacun de se faire une opinion. Je vous donnerai tout de même ma “non critique théâtrale”, c’est à dire quelques considérations après avoir vu des spectacles récents portés par de jeunes équipes.
Comme une baignoire rose dans un pré
Elle est jolie cette baignoire, amusante. On s’imagine qu’un quidam pourrait y prendre place pour des bains en pleine nature. Elle est réelle, vue il y a peu. Et son utilité n’est que d’assurer la collecte d’eau de pluie pour un jardin.
C’est un peu comme ça avec les spectacles que j’ai vu récemment : de jolis décors qui rappellent l’art conceptuel. C’est minimaliste. On dirait presque une page Web conçue par un designer et d’ailleurs dans l’un d’entre eux, le son et l’image jouaient d’effets numériques. Pourquoi pas.
Le spectacle repose sur une idée, un concept, pourquoi pas. Le visuel est intéressant, la distorsion du temps, les effets, le spectaculaire… je veux bien.
Mais…
Où sont les textes et les personnages ?
Que sont ces textes convenus, écrits avec les pieds ? On se croirait et c’est souvent, dans une mauvaise série télé avec les mêmes trucs éculés. Un humour qui ne met pas vraiment en cause.
Et surtout des acteurs marionnettes, qui jouent bien mais qui ne donnent que peu d’âme à leur personnage.
À la fin de la pièce, il reste quelques images. On dirait un scroll d’Instagram. Mais pas de profondeur. Rien qui ne donne à penser, qui dépasse le poncif et le lieu commun. Aucune tirade ne nous reviendra en bouche ni en tête parce que les mots n’appartiennent qu’à notre propre langue basique, du quotidien ? Non, parce qu’ils ne touchent aucune vérité, n’explorent aucun inattendu.
Ce théâtre est techniquement bien orchestré. Tout s’enchaîne à merveille. La voix est outrageusement soutenue par le micro. Ils n’ont plus de voix les acteurs ? Mais soit. C’est joli. Les lignes sont claires. Les costumes très graphiques. D’accord.
Mais c’est vide.
Ce théâtre est dans la lignée des spots publicitaires. Pas dans le sillon de la littérature.
Tout théâtre n’est pas littérature. Le mime sait être poésie. Mais si aucun personnage n’habite vraiment le geste, ne lui donne une âme, alors c’est juste joli à voir, distrayant…
Auteurs et autrices donnez de la hauteur; Metteurs en scène de tous genres laissez vibrer l’humain !
Le texte doit nous faire entrer dans une dimension nouvelle. Encore plus s’il s’adresse à un jeune public. Sinon, c’est de la démagogie, de l’abandon. Le théâtre doit oser ce vers que l’on retiendra, il doit nous inciter à revenir vers le texte… à nous y essayer… sinon c’est de l’Art confisqué.
Je suis las de ces personnages interchangeables qui semblent eux-mêmes désincarnés. Je n’aime pas non plus qu’on flatte la laideur pour permettre au spectateur de se croire le plus beau et s’éviter toute remise en question.
Si le personnage est ridicule, il doit être attachant ou faire naître en nous des sentiments qui ne se réduisent pas à rire du supposé laid. Ou alors, le théâtre ne fera de nous que des imbéciles harceleurs en puissance.
Il est urgent de sortir de cette démagogie d’un théâtre qui s’enferme lui même dans un concept…
Il ne suffit pas de se dire contemporain pour être novateur. Il y a d’ailleurs un grand conformisme de ces mises en scène décalquées les unes sur les autres dans lesquels les personnages évoluent comme dans les mauvaises vignettes d’un comic. La “mise en page” se répète souvent.
Les metteurs en scène devraient cesser de penser aux déplacements des acteurs et à l’effet de la silhouette qui se détache sur un fond coloré pour qu’émerge de l’humanité, des personnes vraies ou surprenantes ou poétiques… mais que l’on sorte en ayant l’impression d’avoir été enrichi et non d’avoir touché le vide.
Sauf si bien sûr, le but du théâtre aujourd’hui c’est d’être désespérant.
