La syllabe sèche – poème

Publié le Catégorisé comme au fil de l'eau
des lettres pour faire des mots
"Letters Numbers" by Amador Loureiro/ CC0 1.0

Cette histoire n’est pas pour les enfants car il y a du sang sec dedans. Voici donc un poème au fil de l’eau , un poème avec de nombreuses serrures sans clé où le rire grince. Car ce qui semble vrai est faux, mais tout ce qui semble faux est véridique ! Alors, les biographes se disputeront à l’infini afin de démêler le vrai du faux dans cette affaire. L’ensemble est livré pour le même prix avec un enregistrement sonore. Bonjour chez vous !

À écouter

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À lire

Je suis une syllabe morte dans le ventre chagrin de la mère
Elle aurait dû le boire l’acide
Que le fœtus passe à la lessiveuse
Ainsi, je n’aurais point écrit de bêtises
Point souffert d’amoures idiotes
Point perdu d’argent aux courses
Point brûlé mes mains à l’usine
Et mon estomac au café

Je suis un remords dans la bouche de mon père
Sur l’autoroute il ne sut pas m’écraser correctement
Dans la nuit noire les gens ont des accidents
Puis ils s’engueulent avant que les policiers ne les matraquent
Comme des mouches gluantes

Tout de même, elle me mit à l’école
Le premier maître était stupide
Il avait de grandes oreilles
Il tapait sur les enfants
Je savais déjà lire
Quel ennui !

Presque tous les hommes furent décevants
Sauf Lui qui avait les mains douces
Et Lui qui lissait son corps chaque soir d’un immense pot de crème blanche

Ça vous arrange si je meurs un dimanche ?
Plutôt pas, merci, préférez le début de semaine
Le lundi, c’est parfait pour une autolyse réussie
Le mardi on envoie les faire-part
Le mercredi on enterre
Tout le monde est content !

Ah ! mais moi je veux qu’on me fasse cuire à grands feux !
Que le gueux finisse en cendres et sans cérémonie
Qu’on dilapide les poussières aux quatre coins du pays
Ou qu’on les vende comme poudre magique
Aux vertus érotiques
Ou ésotériques
Ou hystériques

Je ne suis plus du tout fâché maintenant !
Ils sont tous morts, je suis le seul vivant
On va boire des coups en ville avec mon chien
Le gendarme du village lui caresse la tête
Il dit, « ça, bon chien »
Puis il sort son revolver
Il tire à tort et à travers
« Vous pourriez vous blesser, ce n’est pas prudent mon adjudant
Buvez – un coup sans adjuvant, ça vous mettra les idées devant »
« C’est à cause de ma maman qui m’aimait pas quand j’étais enfant »
Avoue le brigadier en reniflant
Pff, quelle mauviette !
Moi, je n’étais qu’une syllabe sèche dans le ventre de la mère.

le magnétophone
Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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