Des livres nous marquent, nous révèlent à nous-mêmes, nous ouvrent des horizons. Mais un livre peut-il changer notre vie ? J’en lis un en ce moment qui secoue incontestablement, je vous en parlerai plus tard. Comme les rencontres, la lecture d’un livre ne doit rien au hasard. Ce que nous croyons comprendre, n’est souvent qu’une attente déjà présente. Encore faut-il ne pas se laisser obnubiler.
La puissance émotionnelle de la fiction
Le roman ou le poème, le théâtre notamment, ont la capacité de s’adresser à nous sans venir nous chercher en tant que personne, mais en créant la distance qui va nous permettre d’observer la façon dont les personnages se sortent de leurs relations interpersonnelles.
Notre empathie va se trouvée sollicitée. On se reconnaît ou l’on l’on voit comment prendre parti dans la situation. Des mots peuvent dire une oppression que nous ressentons, un vers peut ouvrir en nous une porte vers des sensations où nous allons nous retrouver. Ces écrits nous ouvrent à l’empathie, à la compréhension de nous mêmes puis des autres. Je les pose comme écrits de poésie. Ils ne font pas pression sur nous autrement que par le partage d’émotions ou de sensations et nous restons libres d’adhérer ou non à la morale de l’auteur.
Nous nous identifions et peut-être nous autoriserons nous à penser autrement, à transgresser à notre tour, à nous émanciper de ce que nous vivons. Nous pouvons à notre tour devenir des pionniers, des défricheurs, oser.
Le roman vaut souvent mille heures de leçons de psychologie ou de sociologie.
Pour autant la lecture du même roman ou du même poème, ne transforme pas chaque lectrice ou chaque lecteur de la même façon… Et parfois, le livre refermé, il ne se passera rien d’autre que le souvenir d’avoir rêvé d’une belle aventure…
Certains ne se seront échappés qu’un temps de leur destin… et surtout ne veulent pas en changer.
Pour d’autres, si l’enthousiasme autorise une destinée, le texte n’aura été que le point de départ, pas toujours conscient… Peut-être aura-t-il bercé d’illusions et conduit à des difficultés… enfin, rien qui n’était en nous déjà, des réussites – ou vues telles- , comme des empêchements.
Les écrits prescripteurs
Les coachs, les psychologues et autres gourous plus ou moins patentés produisent une abondante littérature. Cela va du manuel de savoir vivre au guide pour être heureux. Il existe encore sous des formes plus ou moins modernisées, des livres de « morale ».
Ils auront beau se parer de la doxa d’une méthode, se référer à une religion, une psychologie ou une philosophie, leur but est souvent de faire commerce de nos attentes en profitant parfois de nos fragilités ou de notre crédulité.
C’est si bon de s’entendre dire qu’on est un hypersensible incompris mais qu’il existe des remèdes !
L’apparente provocation d’un écrit peut n’être qu’un leurre conformiste. Les assertions ne sont pas toujours étayées et la part des croyances risque de dominer la sincérité et la rationalité.
On met un peu de fausse poésie, de formules mystiques, on met en scène un argumentaire qui tiendrait souvent sur une seule page et le tour est joué.
C’est un peu comme les méthodes pour maigrir. On en essaye plusieurs, ça ne marche pas vraiment mais en plus nous rejetons toujours la faute sur nous, notre inconstance, notre manque de persévérance…
Les astrologues sont très doués pour tenir ce discours de conseils alliant flatteries et formulations suffisamment évasives pour que chacune et chacun pense pouvoir s’y retrouver. « Ah, oui, c’est tout à fait moi… »Et nous voici sous emprise capables de gober tel ou tel précepte pour peu qu’il soit joliment emballé par des formules choc.
Je reprends parfois dans ma bibliothèque quelques uns de ces ouvrages d’une niaiserie sans nom. D’autres ont pu me servir un peu. Ils m’ont permis surtout de réguler mon comportement, ma façon d’agir ou de réagir… ce n’est pas si mal, mais ne permettent pas d’analyser les causes d’un état ou d’une manière d’être en profondeur.
La plupart sont des réappropriations de pensées plus profondes, moins faciles d’accès. Du jus de chaussette. De la prose ? Pas toujours très digne ni pertinente.
L’écrit déclencheur
La prudence doit être de mise dès lors qu’on manie des concepts. Il faut garder un peu de recul. Certains écrits viennent pourtant « à point nommé », au bon moment.
Souvent, ils reformulent ce qui germait en nous de façon intuitive, plus ou moins habile. Ce sont des écrits libérateurs dans le sens où ils nous autorisent à passer à l’action. Mais les termes précis de notre interprétation et de l’action nous appartiennent.
Il faut faire preuve de curiosité, voire de sérendipité pour les trouver.
Ce qui est « valable » ou « utile » pour l’une ou l’un, ne le sera pas pour l’autre.
Rien ne peut changer notre vie si nous n’avons pas déjà en nous ce projet.
Toute bible, aussi sacrée soit-elle, n’est qu’un support de la pensée. L’écrit s’interprète. On peut parfois converger vers une vision proche… mais aussi, on peut « croire comprendre » et se méprendre.
J’ai tendance à avoir de l’intérêt non pour la provocation pure, mais pour ce qui va déstabiliser ma représentation. Je voyais les choses d’une façon, on me les présente « à l’envers » et soudainement ma perception d’un problème est transformée. Ce n’est pas pour autant qu’elle devient « meilleure » mais elle a le mérite de pouvoir être remise en question.
Mais c’est aussi parce que j’accepte ou que j’étais prêt pour cela à un moment donné.
Changer notre vie ?
Les uns diront qu’ils sont très bien comme ça. D’autres que le but n’est pas de changer mais le mouvement – y compris intérieur- qu’engage ce changement.
Il y a tout de même des lectures dont on perçoit qu’il y a un avant et un après, même s’il faudra y revenir ou creuser la question.
