Sus aux anglicismes et acronymes mortifères !

Publié le Catégorisé comme sur le vif
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"Building Pattern" by The Building Envelope/ CC0 1.0

Oui, je le proclame; sus à l’abus d’anglicismes et d’acronymes mortifères ! Leur vocation ? Exclure ou soumettre. Leurs promoteurs ? Des experts de pacotille, « entraineurs » au royaume du net, influenceurs des réseaux sociaux, pseudo-auteurs autoproclamés. Abuser d’anglicismes et d’acronymes n’est pas que le fait d’un happy-few de pacotille, mais celui de collaborer au monde marchand selon Google, c’est vite sombrer dans la moraline américanisée et nourrir le cancer visant à nous empêcher de penser dans notre langue. Voilà pourquoi il faut se fâcher ! Et les éliminer !

Ce n’est pas de la langue métissée, c’est de la langue contaminée…

Il y a grande différence entre l’appropriation de mots venus d’une langue voisine parce qu’ils nous manquaient et accepter de renoncer à des mots qui existaient parce que le modèle anglo-saxon américain vient peu à peu les imposer sournoisement par des canaux divers.

Quand un auteur français (!) ose parler de « Trigger Warnings » alors que le mot « Avertissement » est parfaitement explicite et suffit, sa trahison est double : il tue un mot de la langue française pour nous imposer un terme américain et derrière ce terme, par dessus tout, il cède à l’idéologie économique dominante, laquelle ne veut pas que notre argent, mais veut aussi nous empêcher de penser. Ces « Trigger Warnings » dans une société judiciarisée, visent d’abord à s’éviter le risque d’un procès de la part d’un lecteur qui se trouverait traumatisé par des passages qui lui rappelleraient un épisode douloureux ancien et non à protéger le lecteur « fragile »…

Il existe en France une législation relative à la Littérature de Jeunesse ou par exemple une autre relative aux propos négationnistes ou à l’incitation au suicide , au delà, c’est de la responsabilité des parents, des éducateurs de s’assurer qu’aucun mineur n’accèderait à des textes qui ne lui conviendraient pas…

Michèle Bernard,dans sa chanson « Qui a volé les mots » nous rappelle que la langue française, heureusement non figée, s’est enrichie.

...
Voler aux Anglais, aux Allemands, aux Italiens
(C'est normal entre voisins) (x2)

Oui mais voilà ça va bien plus loin
Ils ont même volé les Polynésiens
Piqué paréo et tabou aux Tuamotu
Chez les Chinois le mot typhon soufflé pour de bon
Banane et macaque en Afrique, tu parles d'un trafic
Le raphia chipé aux Malgaches à coup de cravache
Même aux Arabes, c'est le bouquet, t'imagines pas c'qu'ils ont piqué !
Le barda, le safari, le café, le nénuphar
La guitoune et le satin, la valise et le hasard
Le magasin, le cramoisi, le charabia et l'alchimie
Le sirop, le sofa, le souk et la nouba
- extrait de "Qui a volé les mots" de Michèle Bernard

Quand je dis que « j’ai le flow », c’est à dire que je me trouve dans cet état heureux et autotélique de présence ou d’absorption totale à ce que je fais… c’est que je n’ai pas trouvé de mot meilleur que « flow » pour le dire en français. Je ne prive pas ma langue, je ne la réduis pas, je l’enrichis…

J’emploie plus haut « happy few« . Ma référence était Stendhal. Qui savait aussi se moquer de la « haute »…

Nos amis du Québec ressentent dans leur « chair linguistique » cette domination de l’américain. C’est ainsi que les plus vifs d’entre eux ont inventé le courriel plutôt que le mail…

La Commission d’enrichissement de la langue française veut profiter des Jeux olympiques de Paris 2024 pour promouvoir la langue de Molière, et effacer des anglicismes. Elle a publié au journal officiel une liste de mots liés aux sports urbains. 

Acronymes et abréviations insupportables

Quand j’étais dans l’Éducation nationale, c’était un grand jeu que de jongler avec une palanquée d’acronymes. Les parents nous regardaient éberlués lorsqu’en réunion éducative nous demandions si l’enfant avait un PAI (projet d’accueil individualisé) en lien avec son PPS (projet personnel de scolarisation) , de combien d’heures d’AESH (accompagnant d’élèves en situation de handicap) il abénéficiait et s’il fréquentait les APC (activités pédagogiques complémentaires)…

Les enseignants eux-mêmes ne se souviennent pas toujours de la déclinaison précise de ces acronymes… Le pire étant que certains acronymes pouvaient/peuvent varier de sens selon le contexte ou changer au fil du temps.

Rien de plus excluant notamment pour certains milieux sociaux…

Mon plombier emploie parfois des termes mystérieux pour moi mais qui désignent des objets reconnaissables.

Tout à l’heure, je lisais dans un réseau social qu’on parlait de « JDR » . Il s’agissait du terme « jeu de rôles » que rien ne laissait suggérer dans le contexte.

Il y a ceux qui se sentent exclus et sortent de la conversation la laissant aux spécialistes, il y a ceux qui vont oser demander quand ils ne comprennent pas (pas si fréquents) avec de fait une façon de se soumettre à celui « qui sait » alors que celui qui dit JDR au lieu de « jeu de rôle » ne sait pas grand chose de plus qu’afficher sa flemmingite… et une certaine forme de mépris du néophyte.

Dans l’immense majorité des cas, l’usage d’un acronyme ne se justifie pas… sauf à la rigueur dans le cas où l’on parle d’une grande marque comme la SNCF (encore faut-il enseigner ce que cela signifie). Un certain nombre de marques les ont abandonnés au profit de termes génériques plus compréhensibles et simples.

Je crois que pour être le plus démocratique possible le langage doit être transparent. Non pas réduit en mots, au contraire, mais chaque nouveau mot appris, doit pouvoir être compris par le contexte et expliqué…

Je peux employer des mots complexes si je favorise leur appropriation. Je sais qu’apprendre un mot nouveau enrichit le spectre des nuances… Un acronyme n’a qu’une fonction sociale, celle de fabriquer de la norme et d’imposer un pouvoir psychologique, politique ou économique…

Les coachs sont des entraineurs

Si l’on employait le terme d’entraineur à la place de celui de coach, cela nous réveillerait en nous révélant l’ambition économique d’une telle profession. Le terme de coach sonne bien mais si l’on réfléchit…

La traduction de coach, c’est entraineur. Il y a certes l’entraineur sportif dont le rôle peut-être pertinent si c’est un bon pédagogue qui sans abuser de son pouvoir accompagne par exemple les joueurs pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes et forment équipe… Mais dans les bars ou les dancings la fonction des entraineurs (jeunes femmes, parfois hommes) était bien de faire danser les clients en les aguichant pour les pousser à consommer. On sait le prix de la bouteille de champagne alors !

Eh bien, les coachs, férus de ce langage bourré d’anglicismes et d’abréviations, sont les exemples parfois sympathiques en apparence de cette vassalisation de la population notamment jeune, afin de la soumettre aux exigences de la mode, de la pensée normative et conformiste consumériste. C’est de la soupe à la bienpensance qui est déversée là… Ils ont même su détourner l’esprit « woke » (éveillé) à leur service…

Certes, il y a des « coachs » très sympathiques… mais regardez bien… le commerce n’est jamais loin…

Les coachs sont les curés des temps modernes, ils travaillent le plus souvent au service de la compétition et du développement personnel… ils vous parlent rarement de solidarité et de développer l’entraide si ça ne rapporte pas du bénéfice sonnant et trébuchant !

Et la poésie ?

Si les promoteurs d’anglicismes et d’acronymes me désespèrent, c’est que non seulement ils tuent la langue, la pensée, cèdent au modèle économique dominant, au conformisme, mais par dessus tout ce sont des tueurs de poésie. Ils servent le prosaïque, ce prosaïque qui nous mène droit dans le mur en favorisant le profit à court terme…

Voilà pourquoi il faut se fâcher un peu, se ressaisir et comprendre qu’il n’y a rien d’anodin dans cet abus !

les crayons bien triés

le saviez-vous ?

Le journal comporte plusieurs rubriques : sur le vif, admirations, explorationschanger de vie !

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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