improvisation
“dans mon néant tu trouveras le tout” (inscription trouvée à Plouharnel sur un blockhaus) – auteur inconnu
Tu parles comme le premier de tous les mystagogues qui ait jamais trompé de fervents néophytes. Mais c’est au rebours. Tu m’envoies dans le vide, afin que j’y accroisse mon art, ainsi que mes forces ; tu me traites comme ce chat auquel on faisait retirer du feu les châtaignes. N’importe ! je veux approfondir tout cela, et, dans ton néant, j’espère, moi, trouver le grand tout. Faust [Goethe]
Quand je mourrai Mes paupières resteront ouvertes Car il n’y aura pas de mains pour les fermer Je vous regarderai Fixement Depuis l’ombre Depuis cette forêt Sous le grand arbre Que j’aurai choisi Et sous lequel impavide Je me serai assis Pour attendre la mort Je vous regarderai De ce regard vide Qu’ont mangé les oiseaux La mort est mon amie Depuis tout petit Je suis Son gentil malentendu Je vous regarderai Comme je vous regarde depuis toujours Mais vous n’en saurez rien Puis, quand je serai mort Mes cendres descendront sous la terre Avec la pluie En silence En votre absence Car je veux mourir seul Comme j’aurai vécu Dans cette dignité absolue De ma liberté totale Il ne faudra pas venir Il ne faudra pas vous réunir Il ne faudra pas m’imposer le costume d’un cercueil Il ne faudra pas pleurer Je ne veux ni de vos religions imbéciles, ni de vos afflictions hypocrites, ni de votre componction stérile Et encore moins de vos discours De vos semblants d’amour Ni de vos bouquets Ni de vos faire-part Ni de vos livres de condoléances Tout cela n’aura été qu’un malentendu Il n’y aura pas de tombeau, pas d’inscription, pas de plaque Il y aura l’humus, la mousse, l’eau pour me dissoudre enfin et sans remords Et sans rancune Un mort, ça ne s’aime pas Il y a mieux à faire avec les vivants Un mort, on y pense un peu, puis on l’oublie doucement On oublie d’abord sa voix Puis on oublie ses yeux, son regard, Son histoire, On ne se souvient plus très bien, on invente des dates Ils meurent tous pareil Les salauds et les héros Les insomniaques, ceux en en éveil Les menteurs et les enthousiastes Et ce n’est pas très grave On vit, on meurt Il ne faut pas encombrer les gens avec ce genre d’histoires Il y a mieux à faire Avec la Terre qui tourne à l’envers Et la souffrance dont on ne meurt pas Je veux mourir les yeux ouverts Assis contre mon arbre Au fond de la forêt Où vous ne viendrez pas