1
Elle calculait chaque matin les angles de sa vertu
Et je vivais obtus dans la douce neige de ses cuisses
Il y a des gens qui portent en eux cette neige extrêmement douce
Et je viens au désastre d’homme la faire fondre dans ma main
Je meurs dans la tendresse de cette nuque sentant le savon
Je n’ose le refuge d’une épaule
Toute ma vie
2
Ne pas penser
Je pense
Laisser couler
Je coule
La rivière est un lait amer
Dans la plaine les soldats meurent dans la boue, l’herbe et l’eau
On a mis des fleurs arrachées sur leurs tombes rouges
Ces fleurs qui saignent sont si laides
Ils ont tué
Et sous leur sang le fer rouille
Je pense encore
Je pense trop
3
Une automobile fulmine dans la côte
Des graviers secs sous le soleil d’insectes font des catapultes dans ma bouche
Rouler rouler pour sortir de la nuit noire
Chercher la ville blanche aux enfants sales qui jouent
Avec des roues, des cabanes, des ficelles, des crécelles
Je suis mort en noir et blanc et sous le soleil cru
Une Algérie me montre du doigt le trou des balles dans le mur de l’Ambassade
La petite fille douce et sèche, son frère la tapait, la violait
Alors ensemble, pour se consoler on jouait à l’école
Et ses mains montaient dans le ciel en faisant de grands gestes d’oiseaux
4
Mais ça se retient encore
La livraison ne vient pas
Dans l’allée un jeune homme fume
Il pense, il pense, il pense
Il ne lâche rien de sa pensée
Cette pensée est une corde
Un marin, au ventre dur, au ventre salé,
Sentant l’océan la poussière et le fer
Viendra debout contre le mur
Mettre sa barbe dans la cou du jeune homme
La cigarette tombera sur le sol.
5
Ça pense,
ça pense encore
ça ne dépense pas
Dehors il fait froid
Je cherche un couteau
Il se brise sur la corde
Mes mains ne savent pas dénouer le lourd filin
Laisse tomber ! dit l’ami
Tu n’y arriveras pas ce matin
Mais je ne sais marcher avec toutes ces entraves
Je ne peux pas rester debout dans le froid
Je chercher un café pour y entendre des inepties
Une femme est morte au comptoir
Tout s’est avachi
Un enfant joue dans la sciure et les crachats
Le garçon demande ce qu’il me faut
Il me faut ne pas penser, un café chaud, une bouche pour me taire
Des lèvres chaudes pour étouffer ma bouche
Une écharpe de soie pour descendre jusqu’à mes hanches
Cette route de pain blanc
Pour tenter de m’échapper de moi même
6
Je tiens mon budget serré
Les habitudes sont revêches
Mon corps m’appelle
Il veut l’oxygène de l’océan
Et que se taisent les pourceaux qui crient
Des imbéciles agitent des drapeaux
Je pense trop dans la colère de l’erreur
Je ne parviens plus à marcher assez loin
Le soir, je rentre docile à la maison
Nomade contrarié, je suis l’étranger
Le veuf inconsolable
La citadelle de plaintes
Le couteau sur la table encore, luit
Un sexe acéré et mort
Un oiseau les pattes prises dans la cire d’une bougie morte
Je suis mort sous la lampe
Je pense encore dans les listes, les cahiers, les vertiges
Le café
Je pense
Je pense encore
A toi,
Et le plateau vide de la table
Me regarde
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