Dans la montée, le chien fatigue. Mais sa joie l’encourage. Nous sommes montés sur le causse. C’est facile, il suffit de grimper la pente derrière la maison. Et là des kilomètres de pistes, de chemins, de sentiers s’offrent à nos pieds. De quoi marcher, de quoi se perdre, de quoi rêver.
Ailleurs quelque part, loin
Il suffit de quelques centaines de mètres. Après quelques aboiements, on n’entend plus rien que les chants des oiseaux, des bruissement furtifs.
Nous sommes en automne et pourtant mille parfums d’herbes remontent. Je ne sais pas tous les reconnaitre. Peut-être du thym sauvage se mêle-t-il à d’autres essences. La terre est rouge. Les flaques sont encore présentes. Le chien est tout entier aux mille arômes et saveurs qu’il ressent bien plus que moi. Il sait lui, le passage du chevreuil ou du lièvre.
C’est comme si nous nous emplissions de ces odeurs, comme si elles nous accueillaient et nous lavaient les poumons, l’âme et le cœur. Tout un livre de fragrances.
Des oiseaux palpitent dans les futaies, un frisson parcourt une haie d’épines, notre passage est repéré dans l’ombre. Il faut rester discret. Ici, pas de chasseur.
Nous sommes ailleurs, quelque part, loin… Il serait si facile de se perdre…
Un lieu idéal pour fuguer
Enfant, j’adorais rêver que je fuguais plus que fuguer vraiment. Mille fois vers onze ou douze ans, j’allais dans un chemin comme celui-ci. J’avais pris mon petit sac à dos et je m’inventais que j’allais pouvoir vivre quelque part dans les collines. J’aurais pu me fabriquer une cabane avec des pierres et des branches, trouver une source, me nourrir de quelques baies… et échapper au monde.
Ce n’était jamais des départs pour fuir une situation ou sous l’empire de la colère. Plutôt un gout paisible d’aventure, l’envie de vivre dans la nature, près des animaux.Quelque chose qui devait venir des histoires que j’avais pu lire de pionniers du bout du monde ou d’enfants sauvages…
Je plongeais dans la nature, trouvais un creux où me cacher. Parfois un ami était avec moi et nous nous inventions une vie libre de contraintes…
Plus tard, au moment où l’on choisit un métier, j’ai hésité à travailler dans la nature, gardien de parc naturel par exemple, me faisait rêver. C’était pourtant encore les années soixante-dix, on était loin de parler d’environnement ou d’écologie comme aujourd’hui…
J’ai toujours conservé ce bonheur des escapades. Partir soudainement, sans rien dire… mais surtout me retrouver dans la nature, me placer sous sa protection… La nature vous prend comme vous êtes, jeune ou vieux, même avec un pantalon troué ou une vieille chemise.
Ici elle est forte, parce qu’après quelques pas, une bonne montée, un paysage ouvert sur la vallée, un cri d’oiseau dans l’espace, vous ne pensez plus à rien qu’être à l’écoute et relié à la vie qui vous entoure.
Et cela vous réconforte et vous encourage, la vie par dessus tout, partout…
Nous sommes rentrés bien sûr
La pente était douce, le chien ne cachait pas sa joie. Ces chemins lui rappellent la montagne de son enfance à lui. Je regrette juste qu’il soit maintenant trop vieux pour le grand tour de dix ou quinze kilomètres que nous faisions il y a encore peu…
Comme moi il aime ces explorations, alors nous les mènerons autant que possible…