Le chemin où je vis, on le rejoint à pied, juste derrière la maison. J’ai toujours aimé les chemins. C’est en y retournant avant qu’une averse glacée ne s’amuse de nous, que j’ai compris pourquoi ce chemin là je l’aimais déjà particulièrement. Parce qu’il m’en rappelle un autre.
Tous ces chemins à travers la campagne et le causse…
Ce chemin qui part derrière la maison en rejoint tant d’autres. C’est tout un réseau de pistes, de sentiers, d’artères et de vaisseaux qui se croisent, mènent sur le causse ou vous descendent à la rivière, ramènent au village après de nombreux contours ou vous envoient vous perdre au loin… J’imagine qu’il y a là des kilomètres à faire… Le temps ne s’y prêtait pas vraiment…
Mon Grand-Père aurait sorti ses cartes d’État-Major et peut-être sa boussole. Il aurait su montrer du doigt les courbes de niveau.
La pente est rude mais la joie est grande
Le chemin va prendre différentes formes et bifurquer. Aujourd’hui point de chevreuil ni de lièvre, mais des senteurs pour Galou, les aboiements de compères reclus dans la ferme plus bas et qui ont dû nous sentir ou nous entendre et malgré la montée, malgré la fatigue de l’âge et ses rhumatismes, sa belle joie…
Liberté pure d’être entiers à la découverte. Regarder, explorer, sentir. Il sait lui qui est passé par là.
En quelques minutes les paysages changent et des prairies on passe au bois… Là les propriétés sont marquées, ailleurs on voit que des tracteurs passent, d’autres espaces sont ouverts plus largement… La sensation de se sentir libre, sans contrainte réelle (que celle des nuages farceurs), est un vrai bonheur…
La récompense lorsqu’on arrive en haut
Forcément lorsqu’on parvient ensuite sur le plateau et que l’on peut contempler la vallée d’un côté, le causse qui s’étend de l’autre, lorsque sous les yeux il n’y a ni fil électrique, ni route et seulement quelques traces de la vie agricole, lorsque seuls quelques cris d’oiseaux traversent l’air, il y a de quoi s’apaiser et se sentir bien…
Il faudra grimper encore un peu pour voir la petite ville de l’autre côté de la rivière… Cajarc, protégée dans son écrin au bord du Lot.
Nous aurions pu rester des heures si les nuages ne s’étaient soudain amoncelés pour nous offrir dans la descente une douche glacée…
J’ai retrouvé une sensation d’antan
Mais si j’aime ce chemin, si je sais qu’il sera un des lieux favoris de respiration et d’évasion si facile par sa proximité immédiate… si je sais qu’autant que possible Galou m’y suivra avec la même joie, c’est que j’ai retrouvé comme une madeleine d’antan la merveilleuse sensation du chemin de la Bégude.
La Bégude, c’était la maison de mes grands-parents, posée en Haute-Provence tout en haut d’un petit village, ouverte sur un champ d’oliviers mais surtout, offrant immédiatement un chemin à travers les collines. Ce chemin, nous ne l’avons jamais exploré jusqu’au bout car lui aussi menait de chemin en sentier, de sentier en draille, de falaise en prairie… et lui aussi, nous pouvions nous y rendre avec ce triple sentiment de proximité, de sécurité et de liberté.
Et j’ai retrouvé ici la même sensation et un bout de mon adolescence qui trainait, et les chiens, et Mamie herborisant avec sa fille cherchant des champignons. Une joie partagée, tranquille. Où il s’agissait d’être à la nature sans chercher à paraitre. D’être à la découverte et aux sensations, sans filtre ni posture.
Et je la sais bien ma chance !
Alors la grosse averse qui tétanisa un moment Galou, ce n’était pas bien grave. La descente était plus aisée…
Si vous passez par la maison, que nous n’y sommes pas, cherchez dans le chemin…