La pluie libératrice

Publié le Catégorisé comme réflexions
divagation
"Line Pattern" by Seacoast Sage/ CC0 1.0

La pluie enfin. Juste nécessaire pour libérer l’étrange journée. La pluie miraculeuse encore une fois. La pluie et son message salvateur.

La journée avait commencé moite, avec ces mouches collantes et ces nouvelles glauques au loin. On aurait pensé que l’orage aurait pu survenir et puis elle est venue, sans lui, comme s’il fallait que l’eau nous libère… douces larmes.

Ces journées comme des accidents

Une alerte enlèvement. Un fou qui donne des coups de couteau. Des députés pris dans la nasse du ressentiment. Des condoléances qu’on « twitte ». L’insouciance interdite. Mon ordinateur qui plante. New-York orange de pollution. Une région de l’Ukraine qui se noie. Le chien bizarrement triste. Le désordre qui s’installe dans la maison…

L’étrange journée avait mal commencé avec la chatte qui était venue me hurler dans les oreilles qu’il fallait de toute urgence à six heures ce matin que je sorte du lit pour remplir sa gamelle déjà pleine.

Mal réveillé. Un peu chiffon. Un peu chaud. Transpirant dans cette ambiance bizarre. Les réseaux, la radio, la télé, éteindre.

L’orage qui affleurait

Ce moment où le ciel menace. Il se met en tension et devient violet. L’air est électrique et tout le monde s’attend à l’orage.

Le jardin est suspendu de chaleur moite, la touffeur inhabituelle ici, on se croirait à Marseille. Les mouches grésillent contre les vitres. Soif inextinguible.

Cette ambiance là pesante et énervée, collante et triste, où tout se mêle dans un désarroi lourd. Il n’ y a rien qui puisse apaiser.

Hier soir, déjà, même le sous-bois exhalait son haleine chaude. De sourds remugles de charognes dans les ravins. À la promenade, nous étions tombés sur de jeunes mecs louches qui traînaient bizarrement, comme s’ils trafiquaient derrière les arbres. La petite ville est pourtant habituellement calme mais je sais bien que ça deale ici comme ailleurs. Nous sommes vite passés. Presque eu peur.

La nuit nous a tirés dans cette moiteur jusqu’au matin. Quelque chose d’une langueur déplaisante. Réveil la tête en coton.

Mais à quatorze heures enfin, pas un éclair, pas un coup de tonnerre, aucune mise en scène divine pour mettre en scène une quelconque tempête.

L’eau à quatorze heures

L’averse qui s’est invitée. La bonne fille discrète. L’averse tranquille. La douche tiède et libératrice. Ça pleut. Doucement.

Il pleut. Tu as vu ? Tout à l’heure il pleuvra plus fort. Mais la pluie comme une douche tranquille…

Une averse de larmes sentant l’herbe. La merveilleuse odeur du pétrichor.

Le chien soudain soulagé. Nous allions vers les commerces. Des femmes s’y ébrouaient remerciant comme moi l’eau du ciel. Oser rire un jour pareil. Elles osaient. On ne pouvait leur en vouloir. Toute consolation est bonne à prendre.

Cette eau qui nous unit dans notre petite condition. Cette eau qui nous sauve et nous autorise à pleurer discrètement. Ça se voit pas que t’as pleuré sur ces histoires sinistres.

Nos enfants. Nos enfants que nous ne savons pas tenir loin des couteaux imbéciles. Nos enfants que l’on kidnappe et assassine. Ne pas tomber dans les petits dessous de la haine. Ou dans le « c’est bien triste ». Ne pas banaliser. Ne pas en faire le prétexte à d’immondes amalgames… Et la solitude froide et horrible de l’assassin imbécile.

Comment peut-on faire ça ? Je ne parviendrais jamais à le concevoir. C’est en dehors de moi. Ce n’est pas du domaine du tabou. L’inconcevable. Le couteau. Le flingue.

Ce pire. Ce pire au loin, ce pire tout près. Ce pire en nous. Ce pire qui appellerait la vengeance… si la pluie ne venait pas nous parler de paix nécessaire et de consolation.

Chaque crime est une attention qui a manqué. Une bienveillance qui n’a pas su se dire ou s’imaginer avant la colère affreuse, avant l’abomination. Ce qui est détestable c’est que nous puissions laisser prospérer ces maladies de haine.

Mais on ne peut philosopher. On ne peut même assez consoler.

Il pleut sur nos vies.

Nous vies ne sont pas dérisoires. Il pleut pour nous relier à l’eau, au sang, aux larmes et à la vie.

À nos actes de demain…

Il fait sombre, parle à voix basse

L’ombre est là. Sous le clapotis de l’eau qui tombe encore. La fenêtre entrouverte laisse venir à nous le chant incroyable d’oiseaux.

Les oiseaux sont toujours prêts pour la vie et l’espoir. Malgré tout ce que nous leur avons fait subir. Les oiseaux nous pardonnent.

enfant

Tout à l’heure nous irons marcher un peu

Tant pis ou tant mieux si c’est mouillé. Je n’aurai pas peur de crotter mes souliers.

Un peu de boue, un peu de désordre, de l’eau, le monde au loin…

Sans la pluie que ce serions-nous devenus ?

Et si c’est dérisoire, je pense à chacune et chacun des humains que je ne vois pas : celui qui brûle, celui qui se noie, celui qu’on a arraché à la joie, au jeu. J’y pense doucement. Je ne saurais pas prier.

Il faut juste écouter la pluie, se laisser porter par le fleuve des émotions humaines, les laisser.

Il pleut. Il va pleuvoir. Il pleuvra demain. Il faut habiter ce moment.

à bientôt

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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