La lampisterie

Publié le Catégorisé comme explorations
divagation
"Line Pattern" by Seacoast Sage/ CC0 1.0

En passant devant la gare de Cajarc, les gens sont intrigués de lire « lampisterie » sur la façade. Il y a peu on a déferré la voie, rendant impossible l’idée que des trains passent de nouveau un jour. Pas rentable. On fera une piste pour les vélos et les touristes à pied. Et moi je pense au « lampiste » qui se tenait là autrefois et à tous les lampistes, ces subalternes que l’on regardait d’un air condescendant… pourtant sans lampes bien réglées, pas de train…

Un lieu de poésie

micheline gare de Cajarc

J’ai eu la chance de rouler dans des michelines comme celle-ci. En Aveyron ou dans les Alpes de Haute Provence… nous roulions déjà hors du temps dans ce merveilleux espace de poésie entre habitués, collégiens, retraités se rendant au marché, vélos et colis…

Avec le conducteur, il y avait souvent un contrôleur, toujours débonnaire mais incarnant l’autorité sous son uniforme. Il connaissait tout le monde, il avait l’accent chantant…

Parfois ça secouait un peu, on ne roulait pas vite traversant des paysages incroyables… On s’inscrivait sans urgence dans des horaires en général plutôt respectés… mais fallait pas être pressé. Puis le « progrès » est passé par là…

C’est ainsi. Faut pas être triste mais je me demande si on peut rêver autant avec les trains modernes et anonymes d’aujourd’hui. On a préféré les grosses artères à l’irrigation fine des petits vaisseaux.

Tous ces villages perdus le long de la vallée ont été abandonnés, muséifiés, réinvestis ensuite par des gens qui comme moi ont fui la ville mais le prix a été lourd à payer… Concentrer plutôt qu’irriguer et partager…

Nombre de nos ennuis actuels viennent de mauvais choix faits notamment après guerre… au nom de la pseudo rentabilité…

Alors les lampistes se sont adaptés à l’électricité puis on s’est passé de leurs services.

Un ordre symétrique

la gare de Cajarc

Comme elles étaient jolies ces petites gares organisées selon des plans identiques partout. Les appartements au dessus, l’importance du bureau du chef de gare veillant au grain. La salle d’attente où il faisait chaud. Tout était pensé dans un cadre établi, structuré par la certitude du progrès. La bureaucratie restait incarnée localement. On pouvait acheter ses billets sur place. Il n’y avait pas d’imprévu… Chacun du lampiste au conducteur de train avait son rôle défini. On faisait carrière dans son métier.

Un peu plus loin, il y avait la petite maison du garde-barrière avec son jardin…

Alors peut-être aussi les hommes s’ennuyèrent et la jeunesse s’impatientait rêvant de la ville , de son agitation, de ses surprises et promesses…

la vallée du Lot à Cajarc

La route, la voie de chemin de fer, la rivière, la route…

J’ai oublié que parfois un chemin longe la rivière. Mais la force du lieu réside aussi dans la façon dont les hommes ont su structurer toutes leurs activités de part et d’autre du cours d’eau. On a pris le soin de surélever la voie de chemin de fer, la route est derrière… Mais l’eau peut monter. Il y a la crainte toujours aussi de la rupture d’un barrage en amont…

C’était aussi un lieu de batellerie…

À toutes ces activités s’ajoutait celle des marcheurs de Compostelle…

Ce que je veux seulement souligner c’est combien tous ces lieux ont été et restent partiellement traversés de ces vaisseaux, cette irrigation, témoignant d’une activité humaine parfois considérable à certaines époques…

J’espère que les maitresses et les maitres des écoles conduisent encore les élèves sur place pour en comprendre la géographie entre causse, rivière et activité humaine…

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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