Amoureux de Villefranche de Rouergue ? Tu n’exagères pas un peu ?
Je dois me l’avouer, chacune de mes visites ici me transporte et me subjugue. Je ne suis qu’aux débuts de la découverte. Il faut savoir découvrir avec délicatesse. Comme le disent les guides pour touristes, je dois « prendre le temps de me laisser traverser par la douceur et le mystère. » C’est en réalité une avalanche d’émotions. Cette ville est toute en poésie, à la fois charmeuse et protectrice, touchante et troublante. Je suis comme un petit garçon à me perdre avec bonheur dans ses ruelles…
Je ne veux pas faire un cours
Certains lieux ont été figés, muséifiés. Ce n’est pas le cas ici même si l’économie du tourisme impose son tempo, si les commerces ont délaissé le cœur de ville et si l’on voit bien le travail immense que suppose l’entretien de toute cette richesse…
Je veux juste partager l’émotion, le ressenti… Le mieux c’est d’arriver par la rivière. L’Aveyron met sa lumière douce, puis se faufiler par les ruelles jusqu’au cœur.
Aux imbéciles qui ne jurent que par la fermeture des frontières, la ville oppose un démenti farouche. Elle mêle tant d’influences. Il y a de l’Espagne, il y a de l’Italie et puis cette traversée d’Histoire… Une Ville franche, c’est à dire disposant de droits propres, riche de ces nombreux passages. Les guerres de religion ne l’épargnèrent pas. Ville d’accent. La langue d’oc affleure sur les pierres. Le nom des rues fait mémoire et poésie.
Ville sensuelle
Forte, puissante, protectrice mais délicate. Je ne sais pourquoi je pense à Florence. Mais son identité n’est pas dans l’imitation. Elle joue sans cesse entre un plan géométrique et des surprises. Des lignes, de la géométrie, mais un sens du détail, des clins d’œil…
Je suis comme un enfant avec ses questions.
J’ai tout à apprendre. Mille choses à découvrir. Je ne suis pas un touriste et je veux prendre le temps de comprendre, de questionner… Il me faudra le secours de livres plus que de guides. Croiser les écrits et les lieux. Chercher, se perdre, mais ne jamais s’empêcher de rêver.
Mais au fond, je sais ce miracle : comme un bon roman, la ville ici sait nous dépayser, nous placer dans son temps propre, loin de l’actualité du monde, non pour nous en couper ou nous soulager, mais nous rappeler ce que les hommes savent imaginer en produisant au fil du temps une œuvre collective, composition savante et riche…
Une sorte de vertige peut nous prendre…
Ville théâtre
La ville souvent attire les réalisateurs de films. Elle offre ses décors. Il y a de la mise en scène dans sa façon d’être et de se montrer. Elle joue sans cesse avec ses façades, ses escaliers, ses placettes, ses ruelles étroites, sa façon de jouer avec la lumière…
La ville sait aussi donner aux poètes la place qu’ils méritent, en jouant un peu…
Je n’oublie pas non plus que c’est dans cette ville que mourut Colette Magny, en 1997… y ajoutant encore pour moi une touche d’émotion…
Voilà, j’aurai fait mon « coming-out », je n’ai donné qu’un vague aperçu de ce que je ressens.
En roulant ensuite traversant le causse pour rejoindre la maison au bord du Lot, je ne pouvais que ressentir à quel point cette rencontre avait pu me faire du bien. Très exactement comme lorsque tu as fait une rencontre amoureuse et que tu repars le cœur content avec l’espoir et la promesse de revenir bientôt… puisque maintenant, nous sommes proches l’un de l’autre…