Marc Alyn – Brûler le Feu

Publié le Catégorisé comme admirations
Lune pleine

Marc Alyn est poète. Pleinement poète. C’est son métier, presque sa nature. Brûler le feu est un recueil qu’il édita en 1959 chez Pierre Seghers. Je le découvris dans la bibliothèque de ma mère peut-être vers l’âge de douze ou treize ans. Je vois à quel point ces textes me marquent encore aujourd’hui, des bribes m’en reviennent souvent au détour d’une conversation, lorsque je marche dans la nature. Une révélation qui persiste et qui continue de me dévoiler à moi même…

Le poète d’abord

Wikipédia prête sans la sourcer la citation de Philippe Soupault à son propos :  » Marc Alyn assume et accepte la destinée douloureuse et prodigieuse, merveilleuse et dangereuse, celle d’être un poète, uniquement un poète. »

On ne saurait mieux dire. Jeune, il fut déjà couronné de prix. Il a traversé des épreuves. Il a écrit. Ici et là, j’ai pu me frotter avec bonheur à la magie de son verbe. Il a surtout tracé le sillon indéfectible. Le sien. En conservant l’exigence.

Lyrique, il peut sembler céder aux facilités du chant, celles de l’emphase parfois, mais il ose des images étonnantes sous la musique, comme autant de révélations.

Des vers qui restent

Brulerlefeu

À le lire et le relire, le livre a perdu sa couverture, il est dépenaillé. Mais il est tout près de moi. C’est un des rares que je n’aimerais pas perdre bien que souvent des vers reviennent ou même que je vois littéralement des pages.

J’ai découvert ce recueil seul. Souvent dans ma chambre d’adolescent je l’ai lu, dit à voix haute ou même chanté. À chaque visite du texte, en découvrant de nouvelles ouvertures qui me parlaient de moi. Et m’acceptaient…

Notes de lecture -Art et Liberté

À la sortie du recueil, il est déjà salué en 1959 par Jean-Guy Pilon

Notesdelecture

Poème de l’amour refusé

Je sais que Reggiani a dit ce texte, mais je n’ai pas retrouvé d’enregistrement. C’est un texte que je chante depuis mes quatorze ans. Il y avait un enregistrement sur une vieille cassette… mais je l’ai redonné…

texte de Marc Alyn chanté par Vincent Breton

Il termine par ce vers que je cite souvent « les questions sont pour l’homme, les ciseaux pour les roses… »

Dès les premières j’avais adolescent, le sentiment que le poète parlait pour moi :

« Il y a un feu dans mon univers
Dont je suis le fils et le sein…

Il y a un feu qui m’empêche de vivre »


« Le feu est une plante carnivore,
Aimons le feu. « 

Faut-il aimer ce qui nous dévore ?

« Nulle enfance n’agonise
Si l’on n’accepte sa fin.
Elle reste au chaud du cœur
Sous la vitre des eaux pourpres.. »

« Les mots nous entraînent
Au fond de l’abîme
Mieux que les années »

Il nous prend à chaque fois dans des paradoxes qui font renaître l’espoir sous l’épreuve.

« Le cœur est un bois mort pour feux les souvenirs »

« Je crains le ridicule du cri qui n’est pas mien. »

ou souvent adolescent je récitais

« Si j’existe c’est ailleurs,
Dans les yeux d’une rivière
Qui connaît tous mes détours,
Dont je suis le bois flotté
Avec le printemps pour mer »

Comme ces mots me sont d’actualité !

« Je suis toujours d’autre part,
Le feu n’est jamais mon feu ;
Sans maison le me partage
Avec l’or des coquillages… »

Ce n’est pas un recueil, c’est mon autobiographie écrite avec prescience par la main d’un autre !

« Je connais la beauté, c’est l’ulcère des pauvres… »

« Un visage, c’est du sable et de l’eau,
Cela ne fleurit pas. « 

Terrible aveu plus loin

« Je ne suis pas celui qui t’aime
Mais celui qui te le dit. »

Tout pourrait se dire.

L’un des textes les plus sublimes c’est

Une main qui ne ressemble

Une main qui ne ressemble
À aucune autre, c'est la mienne
Quand le poème la conduit.

Un tel poids d'herbe ne peut vivre
Qu'avec l'alliance du vent.

Je ne chante pas, j'avance.
...
Je ne chante pas, j'avance
En semant des pierres blanches.

La doublure des heures
Est de blanche voyelles,
Chaque fait porte en lui
Les mots de son histoire.

Je ne chante pas, j'avance
En semant des pierres blanches.


« Je ne mens qu’à moi même
Quand je dis que j’existe. »

« Pour dire à l’ombre qu’on existe,
Qu’on a ses arbres dans le cœur,
Pour tirer la leçon des fleurs,
Il faut des voix de cathédrale. »

Je ne sais plus où il dit
« Dire un homme, c’est dresser une échelle contre le vide ».

Les questions, du point douloureux à l’acceptation

Sous la douleur qui se dit sans ambage, persiste cette résolution d’une vie qui se dépasse. Les mots brûlent mais de cette brûlure quelque chose qui nous dit de nous même.

Le lyrisme de Marc Alyn rend supportable ce qui pourrait nous foudroyer.Il nous sauve dans le geste de son verbe, mais nous laisse totalement libres. Il nous prend au fond de nous même, en ouvrant sur le vaste espace auquel il nous rend présent. Il nomme la solitude mais dit aussi l’amour dans ce double appareil… toujours balançant, nous surprenant à nous mêmes dans un jeu de miroirs et d’images renversées…

Tout de même, on fait bien peu de cas des poètes aujourd’hui. Ce ne sont pas quelques mises en scène factices qui masquent l’indigence. La poésie est beaucoup trop subversive pour les consommateurs conformistes.

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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